Menu
Libération
Avancée

Cancers du sein : une simple prise de sang pour détecter un début de rechute

Les espoirs concernant la «biopsie liquide» semblent confirmés par de nouvelles données. En repérant les risques de rechute via une prise de sang, l’objectif est de développer une médecine moins invasive et plus personnalisée.
Alors que le nombre de cas de cancers du sein hormonodépendants continue d’augmenter dans le monde, les travaux sur l'ADN tumoral circulant ou biopsie liquide permettent de nourrir plusieurs milliers d'études scientifiques. (Garo /Phanie)
publié le 2 juin 2025 à 11h46
(mis à jour le 2 juin 2025 à 11h49)

Une avancée scientifique majeure. La promesse d’une détection, par prise de sang, des risques de rechute de certains cancers du sein, semble confirmée par de récentes données. Alors que la communauté mondiale du domaine de la cancérologie est réunie depuis le 30 mai et jusqu’au 3 juin à Chicago pour le 61e congrès de l’American Society of Clinical Oncology (Asco), ce «nouveau concept» est au centre d’une session plénière, a souligné devant la presse le professeur François-Clément Bidard, de l’institut Curie. Il est le premier auteur d’un article sur cette nouvelle méthode de diagnostic dans le New England Journal of Medicine, qui mentionne également un «un nouveau médicament», le camizestrant (AstraZeneca).

La technologie, appelée «biopsie liquide» ou «ADN tumoral circulant», consiste à observer l’évolution d’un cancer par une simple prise de sang. Habituellement, ce suivi est effectué avec une biopsie, qui implique un examen bien plus lourd puisqu’il s’agit du prélèvement d’une très petite partie d’un organe ou d’un tissu via une aiguille ou un frottis.

Avec cette nouvelle méthode, c’est la présence dans le sang d’ADN produit par les tumeurs, source de précieuses informations génétiques, qui est recherchée. Une grande nouvelle dans le domaine de l’oncologie : cela permettrait, de façon précoce et non invasive, d’éviter des rechutes pour certaines femmes atteintes de cancers hormonodépendants − le type le plus répandu de tumeurs du sein − et métastasés.

«Une approche révolutionnaire»

Actuellement, les femmes atteintes d’un cancer du sein hormonodépendant au stade métastatique sont généralement traitées par une combinaison de médicaments : une hormonothérapie qui diminue la fabrication d’œstrogènes (anti-aromatase) et un traitement inhibant la prolifération des cellules (inhibiteur de CDK4 /6). Problème : pour presque 40 % de ces patientes, un gène crucial pour le récepteur des œstrogènes (ESR1) mute, ce qui entraîne une résistance à l’hormonothérapie et, finalement, une rechute du cancer.

Avec cette prise de sang, l’objectif est de détecter ces mutations plusieurs mois avant qu’elles ne provoquent une nouvelle progression du cancer. Il serait ainsi possible de changer d’hormonothérapie ou de la combiner à un médicament inhibant le cycle cellulaire, afin de réduire le risque d’évolution de la tumeur.

C’était déjà la conclusion, à l’automne 2022, d’un essai académique français (Pada-1) piloté par le professeur Bidard. Un nouvel essai clinique international de phase III (Serena-6) d’un médicament d’AstraZeneca vient confirmer cette thèse.

Dans le cadre de ces travaux, sur près de 3 000 patientes suivies par prise de sang tous les deux-trois mois, 315 ont développé une mutation dans le sang, sans réévolution du cancer, et ont été réparties en deux groupes. Un premier standard, qui a continué son traitement, et un second expérimental, qui a reçu le camizestrant d’AstraZeneca et l’inhibiteur du cycle cellulaire.

Les patientes recevant ce nouveau traitement oral ont vu «leur risque d’évolution du cancer diminué de 56 %, repoussant d’environ six mois en moyenne le temps jusqu’à une première réévolution. A douze mois, le taux de survie sans progression était de 60,7 % pour les patientes ayant reçu du camizestrant, contre 33,4 % chez les autres. A vingt-quatre mois, la survie sans progression atteignait 29,7 % contre 5,4 %», détaille l’institut Curie dans un communiqué, vantant «une approche révolutionnaire». Celle-ci marque «une première dans le cancer du sein, [et] peut s’extrapoler au-delà de ce cancer», a estimé devant la presse François-Clément Bidard, spécialiste de la biopsie liquide.

61 214 nouveaux cas par an

Depuis une quinzaine d’années, les travaux sur l’ADN tumoral circulant, récoltable par simple prise de sang grâce aux avancées en biologie moléculaire, sont à l’origine de plusieurs milliers d’études scientifiques et des espoirs grandissants. Les scientifiques y cherchent notamment une voie vers une médecine plus personnalisée et préventive mais aussi moins invasive pour les malades du cancer.

Dans le cas présent, c’est «la première fois que l’industrie pharmaceutique se rend compte du potentiel de la biopsie liquide pour recevoir une approbation des autorités sanitaires pour des molécules, ce qui laisse présager que d’autres industriels vont s’engouffrer dans cette nouvelle façon d’initier des traitements», selon le Pr Bidard.

Alors que le nombre de cas de cancers du sein hormonodépendants continue d’augmenter dans le monde, la concurrence s’accroît aussi entre laboratoires pharmaceutiques pour développer des hormonothérapies de nouvelle génération et en tirer des bénéfices.

AstraZeneca, qui mise de plus en plus sur les anticancéreux, a positionné le camizestrant comme un médicament de première intention. Une stratégie pour tenter de faire la différence face à plusieurs rivaux, comme Roche, Pfizer ou Eli Lilly, qui mènent plusieurs essais dans cette famille thérapeutique.

Selon Santé Publique France, le cancer du sein est le plus fréquent et le plus meurtrier chez les femmes. En 2018, il a tué 12 146 personnes. Selon des données de 2023, on compte 61 214 nouveaux cas chaque année.