Le gouvernement joue les prolongations. Ce jeudi 20 février au matin, Yannick Neuder, ministre de la Santé et de l’Accès aux soins de France a demandé à la Haute Autorité de santé de statuer sur le sort de l’expérimentation du cannabis à usage thérapeutique en France.
A l’issue de quatre années de test, l’avis final va donc dépendre de la Haute Autorité de santé (HAS), a annoncé jeudi le ministre de la Santé. «La Haute Autorité de santé va évaluer […] si l’on voit que cette voie apporte des effets positifs à la santé, surtout la prise en charge de la douleur, par rapport à d’autres thérapeutiques», a précisé Yannick Neuder sur Sud Radio ce jeudi. Le cabinet du ministre a précisé que cet organisme qui évalue l’intérêt médical des médicaments allait être saisi «rapidement».
Initialement prévu par la loi de financement de la sécurité sociale de 2024, l’examen du projet par la HAS relancerait donc un dossier qui semblait jusqu’alors gelé. «Il faut laisser en France se développer une filière thérapeutique [du cannabis]», a souligné le ministre, cardiologue de profession, qui témoigne lequel «il y a des douleurs rebelles […] qui ne sont sensibles qu’à ces molécules-là».
Yannick Neuder, qui s’était montré par le passé favorable à l’introduction de tels médicaments, avait déjà dit en janvier, quelques jours après sa prise de fonction, qu’il souhaitait «étudier» cette voie thérapeutique.
«On est contre les drogues de manière générale»
Ces propos interviennent alors que deux députés, l’Insoumis Antoine Léaument et le macroniste Ludovic Mendes, ont dévoilé lundi un rapport avec plusieurs propositions contre le trafic de stupéfiants, dont une légalisation strictement encadrée du cannabis.
En revanche, Yannick Neuder s’est montré strictement opposé à une légalisation du cannabis, dans la lignée de sa ministre de tutelle, Catherine Vautrin, et surtout de ceux de l’Intérieur, Bruno Retailleau, et de la Justice Gérald Darmanin. «Je suis absolument contre parce que, déjà, ça trouble les messages : on est contre les drogues de manière générale», a rappelé le ministre de la Santé, avançant que le cannabis servait souvent de passerelle vers des drogues comme la cocaïne, quand bien même cette théorie de «l’escalade» n’a jamais été établie par les études scientifiques.
Commencée en mars 2021, l’expérimentation du cannabis médical en France, menacée à plusieurs reprises, avait été sauvée in extremis le jeudi 19 décembre. Face à l’inquiétude des patients, le ministère de la Santé avait finalement autorisé l’Agence nationale du médicament à délivrer jusqu’à juillet du cannabis. Mais seulement dans «une perspective de sevrage ou de recherche d’alternative» pour les 1 800 malades de pathologies graves et encore sous traitement.
Tribune
Un sursis mais pas une autoroute vers la généralisation
Le temps où Olivier Véran, alors ministre de la Santé, inaugurait la phase de test au CHU de Clermont-Ferrand à l’occasion de la première prescription semble loin. L’ancien ministre y avait déroulé son parcours personnel et son expérience en tant que neurologue à Grenoble : «Certains patients n’arrivaient pas à être soulagés avec les traitements habituels. Des patients qui avaient des douleurs tellement fortes qu’on les hospitalisait en neurologie. Un jour, un patient qui avait des douleurs quasi suicidaires n’est pas venu pendant trois mois. Je l’ai recontacté et il m’a dit qu’à sa grande surprise, quelqu’un lui avait fait vaporiser du cannabis. Il n’a plus eu mal pendant trois semaines.»
Depuis des années, Mado Gilanton se soulage grâce à de l’herbe qu’elle achète illégalement. Présidente de l’association de patients Apaiser S & C, elle est atteinte de syringomyélie, une maladie rare attaquant la moelle épinière et provoquant de violentes douleurs dans tout le corps. Jointe par Libération, elle assure que «les patients sont toujours inquiets» face à la perspective de voir leur traitement s’arrêter.
«Certains patients n’ont pas encore entamé le processus de sevrage décidé par les autorités à la fin de l’année, lorsque le gouvernement a prolongé de six mois le projet», rappelle la retraitée. «Des patients me disent qu’ils pensent entamer des grèves de la faim. On ne parle pas de personnes illuminées, mais de malades qui n’ont pas d’autres solutions», ajoute-t-elle. Alors que la France doit statuer sur l’avenir du cannabis médical, la majorité des pays membres de l’Union européenne (UE) ont déjà légalisé les médicaments à base de la plante.