Le controversé Didier Raoult et l’Institut hospitalo-universitaire de Marseille qu’il dirige sont à nouveau épinglés pour leurs méthodes. Cette fois-ci, ils sont visés pour de supposés «essais cliniques» illégaux contre la tuberculose, avec des complications médicales graves.
Que reproche-t-on à l’IHU ?
Le 22 octobre, Mediapart a révélé que l’IHU menait «une expérimentation sauvage contre la tuberculose, provoquant chez plusieurs patients, dont un mineur, de graves complications» depuis 2017. Selon le site, cette expérimentation utilisait une combinaison de quatre médicaments dont l’efficacité conjointe n’avait jamais été évaluée et était menée malgré le refus de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), qui doit donner son aval aux recherches impliquant des êtres humains, en particulier les essais cliniques de médicaments.
Mercredi, l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille (AP-HM), dont dépend l’IHU, a lancé une enquête et a confirmé que «certains» des patients traités contre la tuberculose avec la combinaison d’antibiotiques mise en cause ont été «atteints de complications rénales, dont au moins un d’entre eux a nécessité une intervention chirurgicale».
Elle a précisé qu’elle avait bien déposé un «protocole de recherche sur cette combinaison d’antibiotiques» en août 2019, mais qu’il avait été retiré un mois plus tard «compte tenu des réserves émises par l’ANSM». Or «en l’absence d’essai ouvert et malgré les réserves émises par l’ANSM, l’IHU Méditerranée a continué à délivrer ces traitements», a expliqué à l’AFP la porte-parole de l’AP-HM.
Quelles suites administratives et judiciaires ?
De son côté, l’ANSM a indiqué mercredi avoir diligenté une inspection au sein de l’IHU : «Aux termes de nos premières investigations, nous considérons que certaines études auraient dû être menées conformément à la législation encadrant les recherches impliquant la personne humaine […]. Ceci n’est pas admissible.»
L’Agence du médicament a également saisi le parquet de Marseille, qui n’a pas ouvert d’enquête à ce stade. La justice a cependant annoncé jeudi une «évaluation» des suites à donner au signalement de l’Agence du médicament. «Ce signalement porte sur des essais cliniques qui auraient été réalisés au sein de l’IHU Méditerranée Infection en dehors du cadre légal», a précisé la procureure de Marseille, Dominique Laurens.
Que répond l’IHU ?
Dès lundi, Didier Raoult avait balayé les accusations contre ses équipes, estimant sur Twitter que «les dernières “révélations” sont une tempête dans un verre d’eau». Jeudi, le chef du pôle maladies infectieuses et tropicales à l’IHU, le professeur Philippe Brouqui, a de son côté assuré que les traitements utilisés à l’IHU «sont tous des antituberculeux connus et reconnus».
Il affirme qu’entre 2017 et 2021, l’IHU a eu un groupe de 17 patients présentant une tuberculose résistante ou avec des facteurs de risques d’avoir une résistance, et sur ce groupe traité avec une combinaison d’antibiotiques, «un seul est décédé de cancer terminal». En parallèle, «sur 96 patients traités par des traitements antituberculeux conventionnels […] il y a eu 13 décès», soutient le Pr Brouqui, qui se dit par ailleurs «heureux» qu’une enquête soit ouverte afin de déterminer aussi «qui a transmis» des dossiers de patients à la presse.
Pour les tuberculoses sensibles, l’IHU a déposé deux projets de recherches «pour raccourcir le traitement, mais on ne l’a pas mis en place dès qu’on a eu l’avis de l’ANSM», a ajouté Didier Raoult jeudi soir sur C8. Dans l’émission Touche pas à mon poste, à laquelle il a réservé sa réaction, le professeur a déclaré : «Il n’y a pas eu d’essais, seulement des choix thérapeutiques par des médecins.»