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Interview

Changement d’heure : «Cela peut prendre une semaine avant de retrouver un sommeil réparateur»

Ce week-end, la France passe à l’heure d’été. Dimanche 31 mars, il sera donc 3 heures au lieu de 2 heures. Un changement qui risque de se faire sentir au réveil, explique la chercheuse Armelle Rancillac.
«Pour les enfants, qui ont des rythmes plus réguliers et du mal à encaisser des changements», le passage à l'heure d'été peut être compliqué, explique la chercheuse Armelle Rancillac. (Blend Images - Inti St Clair/Getty Images/Tetra images RF)
publié le 30 mars 2024 à 7h34

Une heure de soleil de plus, une heure de sommeil de moins… Dans la nuit de samedi à dimanche, comme chaque dernier week-end de mars depuis près de cinquante ans, on avance d’une heure pour profiter plus longtemps de la lumière du jour. Si nos appareils s’en occupent désormais à notre place, la nuit sera, elle, plus courte. Armelle Rancillac, chercheuse Inserm au Collège de France et spécialiste du sommeil, explique pour Libé les effets du passage à l’heure d’été sur notre santé. Et ce n’est pas faute d’avoir demandé, l’abandon de l’heure d’hiver n’est pas non plus une solution. Sans elle, «le soleil pourrait se lever jusqu’à 9h40 en décembre, et là, ce serait vraiment difficile de se réveiller».

Quels sont les effets du changement d’heure sur le sommeil ?

On a une horloge interne dans notre organisme. C’est elle qui donne le tempo, en libérant par exemple des hormones liées à l’appétit pour nous annoncer qu’il est l’heure de manger. Dès qu’on va modifier cette horloge interne de façon artificielle, le corps va mettre du temps à ajuster la libération d’hormones qui accompagnent naturellement le sommeil. Et l’ensemble de ces modifications hormonales fait qu’on va se sentir un peu vaseux. De plus, en décalant sa fenêtre de sommeil – définie par des levés et couchers à heure fixe, l’activité physique ou l’exposition à la lumière –, le sommeil est moins efficace. On va donc avoir un petit temps de latence avant de retrouver un sommeil plus réparateur. Généralement, cela peut prendre une semaine, mais cela dépend de la personne.

Quelles sont les populations les plus touchées ?

On est tous inégaux vis-à-vis du changement d’horaires. Toutes les personnes qui ont naturellement des troubles du sommeil – soit un tiers de la population française – vont être plus à risque. Parce qu’en leur retirant une heure de sommeil, on amplifie le problème. Pour les enfants, qui ont des rythmes plus réguliers, et qui ont du mal à encaisser des changements, ça va aussi être plus compliqué. Même chose pour les personnes âgées qui ont un sommeil plus fragmenté, et qui vont avoir plus de mal à décaler leur fenêtre de sommeil. Enfin, les personnes porteuses de comorbidités ou de certaines pathologies vont aussi avoir plus de mal à encaisser ce changement.

Comment faciliter le passage à l’heure d’été ?

Le mieux, c’est d’essayer de ne pas changer de rythme brutalement, mais de l’anticiper sur une semaine, en se couchant dix minutes plus tôt chaque jour par exemple. Idéalement, on peut faire de même pour les repas, pour que l’organisme s’habitue petit à petit aux changements. Et c’est la même chose pour les enfants, tout en évitant de leur communiquer un stress lié au changement d’heure : les enfants sont des éponges affectives. Si les parents sont catastrophés, l’enfant va intégrer que «dormir = problème». Donc il faut rester zen, anticiper en amont, et les préparer au sommeil, par exemple en baissant la voix une heure avant le coucher, ou en renforçant le rituel de l’histoire du soir. Pour les personnes aux horaires décalés, on peut aussi jouer sur l’éclairage pour essayer de recréer le crépuscule, et donner l’information au cerveau qu’il est bientôt l’heure d’aller se coucher. C’est ce que font les astronautes, avec leurs seize couchers et levers de soleil par jour. L’important, c’est de se conditionner au sommeil.