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Drogues

Chemsex : des députés sonnent l’alerte et demandent une «stratégie nationale de prévention»

LGBT +dossier
Un texte a été voté à l’Assemblée nationale ce lundi 31 mars pour tenter d’endiguer la hausse inquiétante de cette pratique consistant à consommer des drogues dans le but d’intensifier ses rapports sexuels.
Un sac contenant de la drogue de synthèse 3-MMC. (Rob Engelaar/ANP.AFP)
publié le 31 mars 2025 à 18h01
(mis à jour le 31 mars 2025 à 19h59)

Dans le sillage de l’augmentation globale de la consommation de stupéfiants chez les Français, les pratiques dangereuse et addictive sont également en hausse. C’est le cas du chemsex. Basé sur la contraction de «chemicals» (produits chimiques) et de «sex», il désigne le fait de consommer des produits psychotropes dans le but d’intensifier et /ou de prolonger les rapports sexuels. Plusieurs députés de tous bords politiques ont décidé d’alerter sur l’essor de cette pratique, par le biais d’une proposition de résolution qui a été votée ce lundi 31 mars à l’Assemblée nationale, avec 96 suffrages favorables pour 99 votants.

A l’initiative de la députée du Nord (EPR) Brigitte Liso, le texte réclame à l’exécutif un état des lieux épidémiologique précis et une stratégie de prévention, qui comprendrait l’accompagnement des associations, des campagnes de sensibilisation ou encore la formation des professionnels de santé. Si la résolution ne nécessite pas de recevoir l’aval des élus, son examen par les parlementaires reste un moyen d’émettre un avis législatif sur une question.

L’affaire de l’humoriste Pierre Palmade, qui a provoqué en février 2023 un grave accident de la route après plusieurs jours de chemsex, a notamment contribué à braquer les projecteurs médiatiques sur cette pratique. Selon un rapport de 2022 remis au ministère de la Santé, elle concernait entre 100 000 et 200 000 personnes a minima en France. Des chiffres en dessous de la réalité, selon les spécialistes de l’addictologie et les députés. S’il est difficile de dénombrer précisément le nombre d’adeptes, le confinement lié à la pandémie de Covid en 2020 a fait exploser les pratiques.

«La pratique du chemsex s’installe au sein de publics de plus en plus jeunes, venus de tous milieux et de tous les territoires», affirme la députée du Nord (EPR) Brigitte Liso. Auprès de Libération, l’élue macroniste regrette un «manque de prévention» et propose d’ouvrir le débat pour accumuler les connaissances autour de ce sujet.

C’est une rencontre faite à la marche des fiertés de Lille en 2022 qui l’a poussée à se plonger dans cette problématique. «J’ai échangé avec un père de famille désemparé. Son fils adolescent est tombé dans cette pratique et son addiction a été immédiate. C’est terrible qu’un jeune entre dans sa vie sexuelle via le chemsex, souligne Brigitte Liso. Il fallait se saisir de la question. Je me suis alors intéressé aux drogues consommées, notamment le GHB, qui peut être fabriqué artisanalement avec un produit pour nettoyer les jantes. Le manque d’information autour de ces substances participe au développement de ce phénomène».

L’Etat a «abandonné» depuis des années les politiques de prévention

Cette ancienne militante associative alerte sur une expansion de la pratique chez les hétérosexuels, qui ne bénéficient pas du maillage associatif de prévention et de réductions des risques tissé par la communauté LGBT +, et alors que l’Etat a, selon elle, «abandonné» depuis des années les politiques de prévention.

Avant la dissolution de l’Assemblée nationale, une proposition de résolution quasi-identique devait être débattue dans l’hémicycle à la mi-juin. Début octobre, le sujet est revenu entre les murs du Palais Bourbon, lors de l’examen du projet de loi de finances. La députée du Nord était alors parvenue à faire voter en commission une enveloppe de 300 000 euros dédiée spécialement à la prévention du chemsex. Une disposition finalement abandonnée par le gouvernement dans la dernière version du texte adopté.

Soulignant par ailleurs la facilité avec laquelle il est possible de se procurer les substances et la diffusion de ces pratiques via les applications de rencontre, Brigitte Liso appelle à des programmes d’alerte «diffusés sur TikTok, sur l’application de rencontre Grindr, sur tous les autres réseaux sociaux, là où sont les jeunes. Il ne faut se priver de rien pour les informer.»

Car la pratique est loin d’être anodine. Deux overdoses mortelles ont eu lieu à Bordeaux en mars 2024, au cours d’une soirée chemsex. Les deux hommes avaient consommé de la 3MMC, de la kétamine et du poppers.

Quelles sont les substances le plus souvent mises en cause ? D’abord, le GHB - pour acide gamma-hydroxybutyrique. Surnommé la «drogue du violeur», il peut être utilisé à des fins criminelles en provoquant un état de sédation pouvant aller jusqu’à l’amnésie. Le GHB peut aussi être consommé délibérément à l’aide d’une pipette graduée. Enfin, la 3MMC, pour 3-méthylméthcathinone, est également prisée. Depuis quelques années, son usage est sorti du champ restreint du chemsex pour faire irruption dans le milieu festif queer et les soirées alternatives techno. Ces deux produits stupéfiants sont souvent utilisés car leurs effets décupleraient le plaisir sexuel, l’excitation ou permettraient même d’augmenter l’endurance.

«Parler des usages de drogues est un tabou. Mais évoquer la sexualité et l’homosexualité reste également quelque chose de compliqué en France, pointe Brigitte Liso. On le voit par exemple avec la difficulté que nous avons à mettre en place l’éveil à la vie affective et sexuelle. Une campagne de prévention est nécessaire, on le doit à notre jeunesse.» La proposition de résolution votée lundi n’est pas contraignante pour l’Etat. Reste donc à voir comment les autorités vont décider de se saisir du sujet.