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Scandale

Chlordécone : le Sénat adopte un texte reconnaissant la «part de responsabilité de la France» dans l’empoisonnement des Antilles

Un an après les députés, les sénateurs ont largement voté ce jeudi 12 juin une proposition de loi symbolique visant à reconnaître la responsabilité partielle de l’Etat dans ce scandale sanitaire.
Le chlordécone empoisonnent encore aujourd'hui les sols et les eaux de Guadeloupe et de Martinique. (Cédrick Isham Calvados/Libération)
publié le 12 juin 2025 à 16h36

Une avancée à petits pas. Le Sénat a abouti ce jeudi 12 juin à un compromis sur une proposition de loi visant à reconnaître la «part de responsabilité» de l’Etat dans le scandale du chlordécone aux Antilles, malgré certaines déceptions sur la portée réelle du texte et son volet indemnitaire. La chambre haute a adopté à la quasi-unanimité le texte porté par le député socialiste de Guadeloupe Elie Califer, déjà approuvé en février 2024 à l’Assemblée nationale, tout en lui apportant d’importantes modifications.

Cette proposition de loi, à portée très symbolique, fait désormais reconnaître à l’Etat français «sa part de responsabilité dans les préjudices sanitaires, moraux, écologiques et économiques» causés par le chlordécone, un pesticide utilisé dans les bananeraies en Guadeloupe et à la Martinique jusqu’en 1993 malgré des alertes de l’OMS sur sa dangerosité. «C’est un geste fort de dignité et de reconnaissance à l’égard de toutes les victimes», a salué le ministre des Outre-mer Manuel Valls.

Même s’il faudra un nouvel examen des députés sur ce texte, il semble désormais en mesure d’aboutir, alors que de nombreuses initiatives parallèles avaient avorté ces dernières années sur ce dossier sensible. La dernière en date, en avril au Sénat, s’était terminée dans l’indignation, lorsque les sénateurs ultramarins et macronistes avaient choisi de retirer un texte similaire, mécontents de le voir «dénaturé» par la droite et le gouvernement.

Amertume

Le compromis trouvé cette fois-ci a cependant laissé un «goût amer» à certains : «C’est un renoncement vidé de toute portée symbolique, sans aucune substance opérationnelle, financière ou juridique», a regretté le sénateur de Martinique Frédéric Buval. Son groupe parlementaire, une alliance entre ultramarins et macronistes, s’est d’ailleurs abstenu lors du vote. Il met en cause certains reculs par rapport à la version votée à l’Assemblée nationale, qui évoquait la «responsabilité» de la République au sens large et non pas la «part de responsabilité» de l’Etat comme voté au Sénat.

Autre reproche : la notion de «préjudice moral d’anxiété» a été retirée du champ de la responsabilité de l’Etat, après une deuxième délibération demandée par le gouvernement et des tractations entre l’exécutif et l’alliance droite-centristes, majoritaire au Sénat. D’autres ont regretté l’absence d’un véritable fonds d’indemnisation pour les victimes, même si le texte prévoit tout de même que l’Etat «s’assigne» pour «objectif» l’indemnisation de «toutes les victimes» contaminées dans un cadre professionnel ou non.

Plus de 90 % de la population adulte en Guadeloupe et Martinique est contaminée par le chlordécone, selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), qui a conclu en juillet 2021 à une relation causale probable entre le pesticide et le risque de cancer de la prostate.