Une conséquence nocive de plus pour la santé humaine de ce pesticide utilisé par centaines de tonnes dans les bananeraies aux Antilles jusqu’en 1993. L’exposition des femmes au chlordécone est associée à un allongement du délai pour concevoir un enfant, d’après une étude publiée par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) ce jeudi 16 octobre. Pour les chercheurs, il est probable que cette substance altère la fertilité des femmes.
La nouvelle étude, parue dans la revue Environmental Health, exploite des données recueillies auprès de 668 femmes enceintes en Guadeloupe entre novembre 2004 et décembre 2007, réparties ensuite en quatre groupes selon leur niveau d’exposition. Résultat : «Plus les femmes ont été exposées à des niveaux élevés de chlordécone, plus elles ont mis de temps à concevoir leur enfant», résume son coauteur Luc Multigner, directeur de recherche émérite à l’Inserm. Les plus exposées – ayant une concentration de chlordécone dans le sang dépassant 0,4 microgramme par litre – avaient mis plus de temps à tomber enceintes, et leur chance d’y parvenir dans un cycle menstruel était réduite d’environ un quart.
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S’il est difficile d’attribuer l’allongement du délai à concevoir uniquement aux femmes faute de mesure d’exposition des conjoints, «des études précédentes en Guadeloupe chez les hommes, à des niveaux d’exposition similaires à ceux des femmes, n’avaient montré aucun effet sur la qualité du sperme ni sur les hormones de la reproduction», note Luc Multigner. Et chez des animaux de laboratoire, le chlordécone a déjà été associé à une baisse de fertilité des femelles.
L’étude n’établit cependant pas de lien de cause à effet, l’infertilité féminine pouvant avoir de multiples origines (syndrome des ovaires polykystiques, endométriose…). Une autre étude, en Guadeloupe, permettra de «mieux préciser les liens entre l’exposition au chlordécone et l’infertilité féminine», ajoute son responsable scientifique, Ronan Garlantézec (université de Rennes), invitant sans attendre à poursuivre les efforts pour «réduire l’exposition au chlordécone, en particulier chez les femmes en âge de procréer».
Grossesse et développement de l’enfant
Plusieurs études avaient déjà montré que l’exposition au chlordécone est associée à des effets néfastes sur la grossesse (risque augmenté de prématurité) et le développement de l’enfant (moins bons scores aux tests cognitifs et difficultés comportementales après une exposition prénatale et postnatale), rappelle l’institut dans un communiqué.
Insecticide cancérogène et perturbateur endocrinien, le chlordécone, interdit dès 1977 aux États-Unis, a été utilisé aux Antilles de 1972 à 1993 pour lutter contre le charançon du bananier. Interdit en France en 1990, il a été utilisé jusqu’en 1993 par dérogation aux Antilles. Toujours présent dans les sols, où il peut rester jusqu’à 600 à 700 ans, ce produit chimique se retrouve dans certaines denrées d’origine végétale ou animale et sources d’eau potable.