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Cigarette, cannabis, alcool… Les jeunes n’ont jamais aussi peu consommé de drogues

Depuis la dernière enquête réalisée en 2017 par l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives, tous les niveaux d’usage de drogue ont baissé. Le Covid et ses confinements jouent un grand rôle dans cette amélioration.
20 % des jeunes interrogés disent n'avoir jamais bu d'alcool, contre 5 % il y a deux décennies. (Xose Bouzas/Hans Lucas. AFP)
publié le 9 mars 2023 à 15h21

S’en rouler un en vitesse après le cours d’histoire-géographie. Descendre un petit verre lors de la boum de fin d’année. Cramer sa cigarette dans le froid du matin avant d’aller peaufiner ses devoirs maison au CDI. Les rituels d’une certaine jeunesse qui sembleraient petit à petit disparaître ? C’est ce que montre la nouvelle enquête réalisée par l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT). Publiée ce jeudi, l’étude réalisée dans le cadre de la journée défense et citoyenneté s’est intéressée aux consommations de 23 701 filles et garçons âgés de 17 ans en moyenne. Et les niveaux d’usage de drogues licite ou illicite n’ont jamais été aussi bas. Depuis la précédente enquête réalisée en 2017 par l’OFDT, tous les niveaux d’usage de drogue ont baissé.

En particulier le tabagisme, qui prend un sérieux coup. En 2022, moins d’un jeune de 17 ans sur deux a déclaré avoir déjà fumé au moins une cigarette (manufacturée ou à rouler) au cours de sa vie (46,5 %), contre 59 % en 2017. Quelle que soit la fréquence de consommation considérée, le tabagisme a fortement baissé entre 2017 et 2022. Les niveaux d’expérimentation, soit au moins une cigarette au cours de sa vie, et l’usage quotidien, ont perdu respectivement 13 et 10 points sur cette période. Cette tendance orientée à la baisse est observée depuis la première enquête publiée en 2000. En 2022, 15,6 % des jeunes interrogés ont déclaré fumer quotidiennement contre 25,1 % en 2017.

L’usage de la cigarette électronique en hausse

Cette diminution du tabagisme s’observe aussi bien chez les garçons que chez les filles. Si ces dernières sont toujours aussi nombreuses que leurs homologues masculins à avoir expérimenté la cigarette, l’usage quotidien (au moins une cigarette par jour) et intensif (plus de dix cigarettes par jour) reste cependant plus souvent le fait des garçons (17 % contre 14,2 % et 5 % contre 2,3 %).

«Cette baisse franche et nette, c’est du jamais-vu», note auprès de Libération Stanislas Spilka, responsable du pôle enquêtes et analyses statistiques à l’OFDT. «Globalement on voit que le tabac chez les adolescents est aujourd’hui largement dénormalisé. Et 2014 a vu l’arrivée des premières générations qui n’ont connu que l’interdiction de ventes aux mineurs.»

Exception notable, l’usage de la cigarette électronique augmente fortement, notamment porté par une consommation féminine en très nette progression. Chez l’ensemble des interrogés, l’expérimentation est ainsi passée de 52,4 % à 56,9 % et l’usage quotidien de la vapoteuse a triplé en cinq ans (de 1,9 % en 2017 à 6,2 % en 2022). Néanmoins, «rien ne permet de dire que la baisse du tabagisme serait liée à une hausse des pratiques de vapotage, nuance l’analyste. A ce stade, ce n’est pas parce que deux courbes se croisent qu’on a une corrélation. Mais il faut se questionner, notamment sur l’impact possible d’un marketing relativement ciblé, en particulier avec les puffs [e-cigarettes jetables aromatisées, ndlr]».

Le cannabis délaissé

En 2022, les jeunes fument toujours moins de cannabis. La baisse de son usage, amorcée depuis 2014, se confirme, quelle que soit la fréquence d’usage. L’expérience du premier joint fumé recule de près de 10 points par rapport à 2017 (29,9 % en 2022 contre 39,1 % en 2017). De même pour l’usage régulier – qui consiste en dix consommations dans le dernier mois – et la consommation quotidienne, qui ont été divisés par deux entre 2017 et 2022.

Au-delà du cannabis, les niveaux d’usages des drogues illicites marquent tous une baisse notable par rapport à 2017. Parmi ces substances psychoactives, la MDMA (ecstasy) reste ainsi le produit le plus consommé par les jeunes de 17 ans, avec une expérimentation (au moins une consommation au cours de la vie) de 2 %. Elle est suivie par la cocaïne (hors cocaïne basée, connu sous le nom de crack) à 1,4 % et les drogues hallucinogènes de type LSD ou kétamine qui se situent à 1 % et 0,9 % de public interrogé les ayant testées.

On note que 20 % des jeunes interrogés n’ont jamais bu d’alcool. Ils étaient 5 % il y a vingt ans. «Les choses bougent doucement, pas à la vitesse de la lutte contre le tabac, mais le regard et la perception autour de l’alcool est en train de changer. S’il y avait un réel effort en termes de politique publique pour aller plus loin, la prévention pourrait véritablement fonctionner», espère Stanislas Spilka.

Comment expliquer cette baisse massive ? Pour Stanislas Spilka, l’impact de la pandémie de Covid-19 et des confinements successifs est indéniable. «C’est la sociabilité qui favorise l’expérimentation. Lorsqu’on met des adolescents dans une situation d’île déserte, ce phénomène crée une telle parenthèse que finalement la situation devient le paroxysme d’une prévention : en isolant les adolescents, on s’aperçoit qu’ils n’expérimentent plus ni le cannabis ni le tabac ni l’alcool.»