«Les réunions de crise que nous avons tenues ces jours-ci montrent […] des perspectives compliquées pour les jours qui viennent». C’est par ces mots, laconiques, que commence le mail envoyé mercredi par Martin Hirsch et Bruno Riou, respectivement directeur général et directeur médical de crise à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), à l’ensemble de leurs services. L’objet du message ? Eviter la saturation des services de santé franciliens face à la flambée des contaminations au Covid-19 dans la région. Et pour ce faire, il va falloir faire des choix.
Le mail précise ainsi que l’activité programmée de la semaine prochaine sera limitée «aux prises en charge pour lesquelles un pronostic vital est en jeu». Le choix de programmation, lui, reposera donc sur une «priorisation sur des critères médicaux et collégialement». Ainsi, certains patients pourront voir leurs opérations être reportées ultérieurement. A l’AP-HP, on craint que les 1 500 lits en réanimation, dont le taux d’occupation avoisine les 60 %, ne soient bientôt plus occupés que par des cas Covid.
Le nombre de contaminations en France a atteint cette semaine son plus haut niveau depuis le début de l’épidémie et l’Île de France est un des territoires les plus touchés. On y compte environ 2 000 cas pour 100 000 habitants selon les données de Santé publique France. La pression épidémique se fait déjà ressentir sur la ligne téléphonique du SAMU dans la région, dont le nombre d’appels est «plus élevé que d’habitude à la même période» selon la direction de l’AP-HP. Ce mercredi, on recensait aussi 3771 hospitalisations pour cause de Covid-19 en Île-de-France.
«Le plan blanc est devenu le fonctionnement ordinaire»
Une situation critique qui a poussé l’Agence régionale de Santé (ARS) à activer le «plan blanc» dès le 8 décembre dans les hôpitaux. Déjà en place dans cinq autres régions, il doit permettre aux établissements «d’augmenter leur capacitaire de lits pour les malades Covid-19 en soins critiques et en médecine, le cas échéant en organisant des déprogrammations, et de réorganiser les plannings des personnels pour assurer la continuité des soins», selon le communiqué publié par l’ARS.
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Une réorganisation qui ne se fait pas sans heurts. «Le plan blanc est devenu le fonctionnement ordinaire […] avec ce que cela implique de congés annulés, d’heures supplémentaires» se désole Marie-Pierre Martin, présidente du Collectif interurgences dans une interview donnée à l’AFP. La lassitude se fait ressentir, alors que les hôpitaux franciliens tournent avec des effectifs réduits en cette période, entre congés de fin d’année et arrêts maladie pour cause de Covid. Ces derniers rendent «les plannings sont encore plus complexes à faire», soulignent les deux dirigeants de l’AP-HP dans leur mail.
Des patients lésés
Alors pour permettre malgré tout une énième mobilisation des soignants face à la vague d’après les fêtes, le gouvernement a réactivé plusieurs leviers de soutien. Parmi lesquels, la majoration des heures supplémentaires de 50 % et la compensation exceptionnelle des congés payés non pris jusqu’à 2 000 euros. Dans la foulée, l’AP-HP a indiqué également faciliter la garde des enfants de son personnels, notamment «en remboursant des frais de garde à domicile à hauteur de 50 heures maximum par enfant et par semaine». Mais après deux ans de pandémie et de plans blancs à répétition, l’hôpital public parait à bout de souffle. «La situation n’a jamais été aussi gravissime», se désole Marie-Pierre Martin, précisant qu’en bout de chaîne «les patients en paient le prix fort».
Mercredi dernier, un collectif d’une quinzaine de médecins de Nouvelle-Aquitaine avait ainsi relayé dans une tribune parue dans Le Monde cette interrogation : «Est-il juste de laisser une patiente atteinte d’une infection digestive aux urgences sur un brancard pendant dix heures, car le service des maladies infectieuses est rempli par des patients atteints du Covid-19 ?». Une manière, pour ce collectif de médecins qui compte plusieurs réanimateurs, de pointer la responsabilité des personnes non-vaccinées dans l’engorgement des hôpitaux. «Ne pas se faire vacciner c’est empêcher certaines personnes plus fragiles d’accéder à la réanimation, retarder la prise en charge d’autres malades atteints de pathologies chroniques» Pour cause, aujourd’hui 70 % des patients qui sont en réanimation dans les hôpitaux parisiens ne sont pas vaccinés, a rappelé le ministre de la Santé, Olivier Véran, lors de son audition à l’Assemblée nationale ce mercredi.