A l’ombre d’un arbre, Ibrahim tire sur sa cigarette. Un large bonnet bleu enfoncé sur la tête malgré la chaleur, le bonhomme distribue à la volée des poignées de main. Au bout de l’avenue de la Porte-de-la-Villette reliant Paris à la Seine-Saint-Denis, presque tous le saluent. «Des vieux potes», atteste-t-il. En quelques mois, ce bout de trottoir s’est mué en une terre de supplique, dernière occasion de récolter les quelques euros manquants. Certains grattent des clopes tandis que les plus débrouillards tentent de revendre un bout de shit. Une fois arrivé sous les tilleuls et peupliers du square de la Porte-de-la-Villette, c’est surtout du crack qu’on fume.
Depuis notre dernière venue à l’automne, la situation ne s’est pas améliorée. Pire, elle se dégrade. A l’époque, le camp ne devait rester que quelques semaines, installé à l’entrée des villes de Pantin et Aubervilliers, coincé entre une ancienne voie ferrée, le périphérique et la rue Forceval. Un mince espace de la taille d’un demi-terrain de football, aux pelouses fatiguées, où la terre poussiéreuse garnie de copeaux de bois se mêle à une épaisse