Gare aux produits de beauté usagés et à leurs compositions. Certaines crèmes solaires et crèmes de jour développent une substance cancérigène au fil du temps, selon une étude menée par le CNRS, la Sorbonne Université et un groupe de chercheurs américains, publiée lundi dans la revue médicale américaine Chemical Research in Toxicology.
Pour réaliser cette enquête, l’équipe de scientifiques a acheté neuf crèmes vendues dans l’Union européenne et huit aux Etats-Unis. Parmi lesquels, des produits de Garnier, l’Oréal, Bioderma, Uriage, la Roche Posay, ou encore Cosmi. Ces cosmétiques ont été soumis à un protocole de vieillissement accéléré pendant six semaines, équivalent à un an passé à température ambiante. Puis ils ont été analysés avec un spectromètre de masse de haute performance.
Résultat : les seize produits contenant de l’octocrylène, un filtre qui protège du soleil, présentent une concentration importante de benzophénone, un composé chimique qui peut altérer l’organisme. Chacune de ces crèmes a développé entre 9,8 mg /kg et 435 mg /kg de benzophénone, d’après les chercheurs. Seul le produit fabriqué sans octocrylène n’a pas dégagé de substance toxique, prouvant que le filtre de protection solaire est bien en cause.
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Néfaste pour l’Homme et la nature
La benzophénone est classée comme potentiellement «cancérogène pour l’homme (Groupe 2B)», par le Centre international de recherche sur le cancer de l’OMS. D’après des tests sur animaux, l’exposition à la benzophénone peut provoquer un cancer du foie, affecter les fonctions thyroïdiennes et perturber le développement des organes reproducteurs. «Pour le moment, on ne connaît pas les conséquences du benzophénone sur les êtres humains. Mais ce sont probablement les mêmes que pour les animaux, parce que ce sont des mammifères qui ont été testés. Et, ces animaux-là ont plusieurs points communs avec l’homme», explique Didier Stien, l’un des auteurs de l’étude et chercheur au CNRS. Avant d’ajouter : «Notre analyse montre que la benzophénone peut être dangereuse pour nos vies. Maintenant il faudrait trouver le seuil auquel elle l’est réellement», souligne-t-il.
En attendant de nouvelles études, les chercheurs invitent les fabricants à éliminer l’octocrylène de leurs formules par précaution. «L’octocrylène n’est pas utilisé que pour les crèmes solaires et les crèmes de jour. Cette composante est aussi présente dans les shampoings par exemple, rappelle Didier Stien. C’est pour cela que l’on veut que les acteurs de la filière réfléchissent aux cosmétiques qu’ils mettront sur le marché dans le futur. Il faudrait qu’ils soient non nocifs pour leurs usagers et l’environnement.» Car, l’octocrylène peut rapidement se retrouver dans les mers et les océans, amené par les nageurs, transporté à travers les eaux usées ou par les déchets jetés dans la nature. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle certains territoires possédant des barrières de corail, comme les Iles vierges américaines ou les Iles Marshall, ont interdit cette molécule dans les produits de protection solaire.