Manque criant de lits d’hospitalisation, délais à rallonge pour un examen médical, attente interminable et parfois mortelle sur des brancards au milieu de couloirs d’urgences… Face à la dangereuse dégradation de l’hôpital public, six associations de soignants et patients avaient déposé une requête contre l’Etat en novembre 2022, dénonçant sa «carence fautive». Après une audience le 23 mai, le tribunal administratif vient de rendre sa décision : requête rejetée. Il «considère qu’il ne lui appartient pas […] de se substituer aux pouvoirs publics pour déterminer une politique publique», est-il précisé dans le communiqué consulté par Libération, daté du 6 juin.
Avec cette action, les six requérants (les collectifs interhôpitaux et interurgences, la coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et des maternités de proximité, ainsi que les associations «Aide aux jeunes diabétiques», «Laurette Fugain» et «Maladie foie enfants») entendaient faire reconnaître la carence de l’Etat français dans la protection de la santé publique et de le contraindre à tenir ses «obligations» pour améliorer la situation de l’hôpital public. «D’après le code de la santé publique, il est de la responsabilité du gouvernement (article L 1411-1) de mener une politique de santé garantissant le droit fondamental à la protection de la santé au bénéfice de toute personne.», insistaient-ils en juillet 2022 dans les colonnes de Libération.
Lire aussi
Or, selon le juge, ces questions relèvent de la gestion financière et de la gouvernance de l’hôpital public et ainsi «pour une large part de la responsabilité du législateur». «L’absence d’engagements précis et contraignants» ne lui permet pas «d’évaluer la carence de l’Etat.» Le même manque de disposition «précise et contraignante» sur «l’obligation de fixer des ratios de patients par soignant» ou de «s’informer» sur les «conséquences de ses politiques hospitalière sur la santé publique et la qualité des soins» ne permet pas, selon le tribunal, «d’engager la responsabilité de l’Etat».
La décision du tribunal suit ainsi l’argumentaire du rapporteur public lors de l’audience fin mai. Selon Le Parisien, ni le ministère de la Santé, ni Matignon n’étaient présents ni représentés.
La démarche de ces associations remonte à deux ans, inspirées par l’Affaire du siècle et la condamnation fin 2021 de l’Etat pour inaction climatique. Pourquoi ne pas entamer une procédure cette fois pour condamner ses carences dans la gestion de l’hôpital, qui engendrent de graves conséquences sur la santé publique ? Il faut dire que les manifestations, cris d’alarme et appels de soignants sur leur manque de moyens humains et financiers n’avaient pas donné grand-chose. Et les alertes ont commencé dès 2018, bien avant la crise Covid qui n’a fait qu’exacerber l’hémorragie. Toujours pas stoppée à ce jour.