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«Dans l’armée, si tu vas consulter, t’es faible» : la délicate prise en charge de la santé mentale des militaires

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Santé mentaledossier
Marqués par les scènes vues et vécues au combat, entre 3 000 et 3 500 soldats et ex-soldats souffrent de syndrome de stress post-traumatique. Les initiatives se multiplient, au sein de l’institution comme au-dehors, pour leur venir en aide.
Ludovic, président de l’association Frères d’âmes, au haras d’Hennebont (Morbihan), le 30 avril. (Vincent Gouriou/Libération)
par Théo Eberhardt, Envoyé spécial à Hennebont (Morbihan)
publié le 1er mai 2025 à 20h10

«Je vais le dire car je me sens d’en parler.» Alors, il met des mots. «Je sais que je ne tiendrai pas deux mois de plus. Arrivé à un moment, je me dis que je vais mettre mon flingue dans ma bouche et m’en tirer une.» Ce n’est qu’un gamin de 22 ans. Il raconte qu’un soir, lorsque tout le monde dort, il prend son arme et s’installe loin des tentes face à la nuit infinie du désert nigérien. Il s’adosse à un sac de sable. Chargeur. Arme raquée. Sûreté enlevée. L’arme sous le menton. Il va tirer. Il va tirer car c’est le seul moyen d’en sortir.

Julien (1) a passé deux ans à l’armée, de 2021 à 2023. Le Niger est sa deuxième mission. En face, c’est Daech et il est chargé de piloter la mitrailleuse 12,7 de son blindé. Un jour, son convoi est pris à partie par un pick-up de sept hommes. Ce baptême du feu exige qu’il donne la mort. D’un coup. Le soir même, les brimades qui durent depuis plus de deux mois sur le camp reprennent. Un jeune lieutenant donne l’ordre à ses subalternes de «casser les militaires». On les fait courir à tout rompre et on les tabasse entre les pompes et les squats. Julien vient de tuer et il n‘a personne à