Supposée être éradiquée dans de nombreux pays, elle pourrait (de nouveau) devenir une priorité de santé publique. Aux Etats-Unis, un premier cas (grave) de poliomyélite a été enregistré le 21 juillet, selon les autorités sanitaires de l’Etat de New York. Du jamais vu dans ce pays depuis près de dix ans, le dernier malade de la polio remontant à 2013. En juin, les autorités britanniques avaient annoncé avoir détecté des traces d’une forme de polio, dérivées d’une souche vaccinale, dans une station d’épuration du nord-est de Londres. Depuis, le virus, éradiqué au Royaume-Uni en 2003, a été détecté dans huit arrondissements de la capitale, avec une «diversité génétique» suggérant «une transmission du virus», selon les services sanitaires. Dans un communiqué, le ministre de la Santé Steve Barclay a toutefois insisté sur le fait que «personne n’a été diagnostiqué avec le virus». En Israël depuis mars, neuf enfants ont été testés positifs, dont huit asymptomatiques.
La poliomyélite est une maladie extrêmement contagieuse qui envahit le système nerveux et peut causer une paralysie permanente. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), «une infection sur 200 entraîne une paralysie irréversible» et «5 à 10 % des personnes atteintes de poliomyélite paralytique décèdent des suites d’une paralysie des muscles respiratoires». Elle touche principalement les enfants de moins de cinq ans. Le virus se transmet principalement par voie oro-fécale ou, moins fréquemment, par une voie commune (par exemple de l’eau ou de la nourriture contaminée) et il se multiplie dans l’intestin. Les premiers symptômes sont de la fièvre, de la fatigue, des céphalées, des vomissements, une raideur de la nuque et des douleurs dans les membres. En 1988, l’Assemblée mondiale de la santé a opté pour une résolution d’envergure, visant à éradiquer totalement la polio grâce au vaccin oral. A l’époque, la maladie touchait environ 350 000 personnes par an. Depuis lors, son incidence a baissé de 99 %. En août 2020, l’OMS a même annoncé la disparition de la maladie du continent africain après des années de campagnes de vaccination. Mais la poliomyélite sévit encore de manière endémique dans d’autres pays du monde, comme l’Afghanistan et le Pakistan.
«Pointe de l’iceberg»
Si un seul cas a pour l’heure été diagnostiqué dans le comté de Rockland, à 48 kilomètres de New-York, la commissaire à la santé de cet État, Mary Basset, a prévenu le 4 août dans un communiqué qu’il pourrait représenter «la pointe de l’iceberg d’une propagation potentielle beaucoup plus importante». Elle ajoute que «sur la base des épidémies de poliomyélite antérieures, les New-Yorkais devraient savoir que pour chaque cas de poliomyélite paralytique observé, il peut y avoir des centaines d’autres personnes infectées». Et pour cause : dans certains comtés de New-York, la vaccination contre cette maladie est en berne. A Rockland et Orange, environ 60 % des enfants de deux ans ont reçu les trois doses du vaccin, contre 80 % à l’échelle de tout l’Etat, selon les données des autorités. Les responsables sanitaires new-yorkais exhortent donc les habitants du comté n’étant pas vaccinés à le faire. Parce qu’il n’existe aucun traitement curatif de la poliomyélite, il y a urgence.
For every one case of paralytic polio observed, there may be hundreds of others infected. Coupled with the latest wastewater findings, it’s clear: polio is a threat to unvaccinated New Yorkers & children today.
— Dr. Mary T. Bassett (@DrMaryTBassett) August 5, 2022
D’autant que la poliomyélite a aussi été détectée dans des échantillons d’eaux usées prélevées à plusieurs endroits, et à différents moments, dans les deux comtés ayant une faible couverture vaccinale. D’après les Centers for Disease Control and Prevention (CDC), ces traces sont «génétiquement liées au cas individuel de poliomyélite paralytique chez un résident du comté de Rockland». Ce qui signifie potentiellement la propagation communautaire de la maladie, car plusieurs individus auraient excrété le virus dans leurs selles. Par ailleurs, l’Américain tombé malade a contracté une forme «dérivée du vaccin» peu de temps après un voyage en Europe. Il ne s’agit donc pas du poliovirus à l’état «sauvage». Hors Etats-Unis, certains pays administrent un vaccin antipoliomyélitique oral (VPO), basé à partir d’une forme affaiblie du virus. Contrairement au vaccin injectable, et bien que cela se produise rarement, le vaccin oral peut subir des mutations en se reproduisant dans les intestins. Et malheureusement, déclencher la maladie.
99 % des nourrissons français sont primo-vaccinés
Outre-Manche, l’inquiétude se fait également ressentir. Tous les enfants entre un et neuf ans vivant à Londres vont se voir proposer un rappel du vaccin de la polio après la détection du virus dans les eaux usées de la capitale britannique, a annoncé mercredi le gouvernement. L’agence sanitaire britannique a indiqué «collaborer étroitement» avec les autorités de New York, mais aussi d’Israël, pour étudier d’éventuels liens entre des «incidents récents» rapportés. Dans ce pays, on observe également une recrudescence du poliovirus depuis mars. «Un cas de paralysie pédiatrique causée par la poliomyélite a été détecté chez un enfant dans la région de Jérusalem, et huit autres enfants asymptomatiques ont été testés positifs pour la poliomyélite grâce à leurs échantillons de selles, informent les autorités. Il est à noter qu’à l’exception d’un enfant, les enfants détectés pour la poliomyélite ne sont pas totalement vaccinés.» Des traces du virus ont été retrouvées dans les égouts de plusieurs villes, dont Jérusalem. En Ukraine, des cas avaient également été signalés avant le début de la guerre, en octobre et décembre 2021.
En France, la poliomyélite est à déclaration obligatoire depuis 1936. Dans un rapport publié en novembre 2019, la Haute autorité de santé indique que «le dernier cas de poliomyélite autochtone remonte à 1989 et le dernier cas importé à 1995, tous deux concernant des adultes». Le vaccin est lui aussi obligatoire depuis 1964 pour tous les nourrissons. Il repose sur une infection à deux mois, l’autre à quatre moins, ainsi qu’un rappel à onze mois. Depuis, la couverture vaccinale est très élevée dans l’Hexagone : 99 % pour la primo-vaccination et 96 % pour le rappel chez les nourrissons, selon les chiffres de Santé publique France, arrêtés en 2019 et recueillis par Le Parisien. Mais les leçons du Covid-19 et de la variole du singe doivent être retenues. Interrogé par Le Parisien, Yazdan Yazdanpanah, directeur de l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS), préfère anticiper. «On doit rassembler des chercheurs, faire le point sur l’état des connaissances, réfléchir à d’éventuels protocoles de recherche», a-t-il annoncé.
1⃣8⃣ million children did not receive a single vaccine in 2021 - the largest ↘️ in 29 years, due to:
— World Health Organization (WHO) (@WHO) July 14, 2022
🔸 #COVID19-related disruptions
🔸 emergencies
🔸 misinformation undermining vaccine acceptance & demand
WHO & @UNICEF sound the alarm 🚨
🆕 data on global vaccine coverage ⬇️
En juillet dernier, un rapport conjoint entre l’OMS et l’Unicef pointait un important recul de la vaccination infantile au niveau mondial. La proportion d’enfants ayant reçu les trois doses du vaccin contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (DTP), référence en matière de couverture vaccinale mondiale, est tombée de 86 % en 2019 à 81 % en 2021. Quelque 25 millions d’enfants ont ainsi raté une ou plusieurs doses de ce vaccin DTP en 2021. C’est deux millions de plus qu’en 2020, et six millions de plus qu’en 2019. La crise du Covid-19 et le manque d’accès aux soins et à l’information ont causé le plus important recul continu de la vaccination infantile contre d’autres maladies depuis près de 30 ans, selon l’ONU.