Au fil du temps, Marion Cazaux a vu la situation se dégrader. Dans l’Ehpad du Béarn où elle exerçait, la charcuterie s’est faite plus rare, les plats en sauce si chers aux estomacs des résidents aussi. Au petit-déjeuner, les biscottes se sont mises à remplacer le pain frais. «On en est venu à un stade où tout était compté. Pour le goûter, on ne devait faire que 2 litres de café et 2 litres de sirop et si on n’avait pas servi tout le monde, on servait de l’eau. Si un résident faisait tomber sa madeleine, on ne pouvait pas lui en donner une deuxième», raconte celle qui fut, six ans durant, jusqu’en 2021, agente des services hospitaliers (ASH).
La bascule s’est opérée en 2018 : tout à coup, les directeurs des établissements de ce groupe privé lucratif touchaient des primes s’ils faisaient des économies. Le chef cuisinier avait décidé de passer outre les directives et de commander plus de madeleines qu’exigé. «Il s’est pris un blâme pour non-respect du budget», souffle l’ex-ASH. Une situation scandaleuse quand on sait à quel point la (bonne) nutrition des aînés est cruciale.
Des projets menés par les chercheuses Claire Sulmont-Rossé et Virginie Vanwymelbeke ont montré qu’une personne sur deux en maison de retraite était «dénutrie ou à risque de dénutrition» et que les besoins caloriques et protéiques de 80% des résidents n’étaient pas satisfaits, car ils