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Dépakine, Dépamide, Divalcote... De nouvelles restrictions entrent en vigueur pour les médicaments antiépileptiques

A partir de ce lundi 6 janvier, il sera plus difficile de se faire prescrire et délivrer ces cachets, notamment pour les futurs pères. Proscrits chez la femme enceinte, les médicaments à base de valproate sont dangereux pour la formation du fœtus.
En France, l'anti-épileptique Dépakine est au cœur de nombreuses procédures judiciaires. (Garo/Phanie. AFP)
publié le 6 janvier 2025 à 11h43

Trop risqués pour être distribué à tout va. La France durcit à nouveau la prescription et la délivrance de médicaments indiqués dans l’épilepsie, notamment ceux comprenant du valproate, comme la célèbre Dépakine à l’origine de scandales sanitaires. A partir de ce lundi 6 janvier, seuls des neurologues, psychiatres et pédiatres pourront initier les traitements au valproate – seul le renouvellement pourra être prescrit par tout médecin. Les patients déjà sous traitement, eux, devront prendre rendez-vous d’ici au 30 juin avec leur spécialiste. Une attestation d’information partagée, notamment sur les risques encourus, devra aussi être cosignée chaque année par le patient et le prescripteur et présentée en pharmacie, en plus de l’ordonnance, pour obtenir le médicament.

Ces modifications concernent tous les médicaments à base de valproate et dérivés. Hormis la Dépakine, la Micropakine, Dépakote, Dépamide, Divalcote et leurs génériques sont visés. Les traitements comprenant de la carbamazépine (Tegretol et génériques) et du topiramate (Epitomax et génériques) sont soumis aux mêmes restrictions. Ces médicaments, servant à prévenir les crises d’épilepsies, sont parfois aussi prescrits contre certains troubles de l’humeur et psychiatriques, certaines migraines, certaines douleurs neuropathiques. Avec ces changements «complémentaires à de précédentes actions», «l’objectif est de limiter l’exposition des enfants à naître à ces médicaments compte tenu de leurs risques», avait résumé le directeur médical de l’agence du médicament (ANSM), le Dr Philippe Vella, lors de l’annonce de ces restrictions en décembre dernier.

Danger pour les futurs pères

Le valproate, aux dangers bien connus pour les femmes enceintes (il leur est interdit depuis 2018), comprendrait un risque pour les adolescents et les hommes. L’Agence européenne du médicament (EMA) a fait part en 2023 d’une étude menée sur la base de données de santé de nombreux patients dans plusieurs pays scandinaves et concluant à un risque «modéré» de troubles du développement, comme l’autisme, chez les enfants de pères traités sous valproate, la molécule agissant aussi sur la qualité du sperme (il varie entre 5,6 et 6,3 %). Pour rappel, en cas d’exposition maternelle, ce risque de trouble est de l’ordre de 30 à 40 %. Et peuvent être à l’origine de malformations physiques.

«Il n’y a pas eu de nouvelles données, mais compte tenu du risque et d’un renforcement de l’information demandé par l’Union européenne, nous avons jugé nécessaire de compléter le dispositif», a justifié Philippe Vella. L’agence française «va plus loin que préconisé par l’UE et a pris le temps nécessaire aux échanges avec les soignants, associations de patients et laboratoires pour trouver un équilibre entre les besoins et aspirations de tous», a-t-il ajouté. Environ 160 000 hommes de 15 à 69 ans sont traités en France par du valproate, selon l’ANSM.

«L’utilisation devrait être évitée»

Pour la carbamazépine, l’information partagée aux femmes susceptibles d’avoir des enfants ou enceintes sera renforcée, via une attestation similaire à celle du valproate. Si «les risques de malformations et troubles du neurodéveloppement liés à l’exposition maternelle à ce médicament sont connus de longue date», a noté Philippe Vella, «il y a encore trop de grossesses exposées alors qu’il y a des situations où l’utilisation devrait être évitée». Environ 20 000 femmes en âge de procréer sont traitées dans le pays avec cette molécule. L’ANSM a par ailleurs demandé aux fabricants des médicaments à base de valproate et carbamazépine de mettre des messages temporaires sur les boîtes pour prévenir des nouvelles modalités de prescription en 2025 et pour inviter les patients à consulter.

En ce qui concerne les médicaments à base de topiramate, le changement est un peu différent. Pour des femmes souffrant de migraine, les médecins compétents «douleur» pourront, en plus des neurologues, prescrire ce traitement à partir du 6 janvier. Par ailleurs, une attestation d’information partagée deviendra aussi nécessaire pour se faire délivrer du topiramate.

Procédures judiciaires

Ces annonces interviennent dans un contexte où l’agence médicale française durcit depuis plusieurs années sa politique envers ces anti-épileptiques jugés à risque pendant la grossesse. En particulier la Dépakine, qui, en France, est au cœur de nombreuses procédures judiciaires, encore en cours mais ayant déjà donné lieu à plusieurs décisions défavorables au fabricant, Sanofi.

Mais chez certains patients, seuls ces traitements se révèlent efficaces. Aux médecins donc d’évaluer si les risques des crises et autres troubles sont suffisamment élevés pour compenser ceux du traitement. «Pour les patientes traitées par carbamazépine, si une grossesse débute, il faut consulter son médecin», a insisté Philippe Vella. Et d’avertir : «Mais il ne faut pas arrêter seul et brutalement son traitement : cela peut avoir des conséquences graves, comme la recrudescence des crises d’épilepsie».