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Libération
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Dépression : pourquoi la kétamine est si efficace ?

Des chercheurs se sont penchés sur les mécanismes d’action de ce traitement chez les personnes atteintes d’une dépression résistante aux molécules conventionnelles. Les croyances négatives des patients seraient réduites peu de temps après la prise du médicament.
De le kétamine médicamenteuse au Canada en 2020. (Cole Burston /AFP)
publié le 11 octobre 2022 à 8h15

La dépression compte parmi «les maladies ayant le plus grand impact négatif en termes du nombre d’années de vie perdues et de souffrance engendrée», rappelait récemment la Revue médicale suisse. Certes depuis quelques années, en particulier depuis la pandémie, on assiste à un début de démocratisation des soins psychiatriques et le tabou de la maladie se lève peu à peu. Mais un tiers de malades qui «ne répondent pas aux antidépresseurs les plus couramment prescrits» sont laissés sur le carreau, comme l’évoque un communiqué du CNRS publié le 5 octobre, afin de présenter les derniers travaux sur les mécanismes de la kétamine.

Etude observationnelle

Cette molécule est un anesthésiant synthétisé dans les années 60 notamment à usage vétérinaire détourné à des fins psychédéliques. Un usage récréatif qui a valu à la «K» d’être inscrite sur la liste des stupéfiants interdits. Or depuis le début des années 2000 cette substance psychoactive – a fait preuve d’une grande efficacité dans le traitement des patients atteints de dépressions sévères et résistantes. Mais si la rapidité de l’effet bénéfique du traitement est bien connue, ses mécanismes d’action le sont beaucoup moins. Une équipe de chercheurs de l’Inserm, de l’Institut du cerveau et du CNRS, a mené une étude observationnelle qui a permis d’expliquer les effets antidépresseurs de ce médicament. Les résultats ont été publiés fin septembre dans la revue JAMA Psychiatry.

Les scientifiques ont observé qu’à peine quelques heures après avoir pris le traitement, les malades présentaient un biais cognitif renforcé. Ils devenaient plus optimistes et plus sensibles aux informations qui contredisaient leurs croyances négatives.

Survie psychique

Le système de croyances se situe au cœur de la santé mentale des individus. «Les patients atteints de dépression sont enfermés dans des croyances négatives sur eux-mêmes, l’avenir et le monde. Cette triade cognitive au cœur de la maladie est résistante aux suggestions plus positives qui les contredisent», explique à Libération Liane Schmidt, chercheuse en neurosciences à l’Inserm et ayant participé à l’étude. Mais cette forme de pessimisme est à l’origine de beaucoup de souffrances. Car un «biais cognitif optimiste est crucial pour bénéficier d’une bonne santé mentale» : il permet de se maintenir motivé dans la vie quotidienne. Il assure la survie psychique des personnes car il nous fait ignorer ou du moins diminuer l’importance accordée aux informations négatives.

«Cet effet cognitif pourrait être une réponse clinique pour les personnes atteintes d’une dépression sévère et /ou pour celles qui se trouvent face à un risque imminent», poursuit la chercheuse. La kétamine associée à une psychothérapie, permettrait de stabiliser rapidement le patient, notamment atteint de bouffées suicidaires, afin qu’il puisse être réceptif aux informations positives et les résultats de la thérapie seraient ainsi accélérés, conclut-elle. Des recherches complémentaires auront lieu au cours de l’année prochaine. Mais ces résultats ouvrent une nouvelle voie pour la prise en charge des patients dont la dépression résiste à tous les autres médicaments.