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Libération
Révélations

Des gynécologues accusés d’avoir utilisé leur propre sperme pour inséminer des patientes «à leur insu»

Trois médecins auraient eu recours à leurs propres gamètes pour des inséminations au cours des années 70 et 80, rapporte ce mardi France Info. C’est la première fois que de telles accusations sont rendues publiques en France.
Photo d'illustration. (Mélanie-Jane Frey/Saif Images)
publié le 21 décembre 2021 à 13h43

Le 2 novembre, le Conseil national de l’ordre des médecins a reçu un mail rédigé par PMAnonyme. Cette association, qui recense plusieurs centaines de personnes conçues par don de gamètes et se bat pour l’accès aux origines personnelles, a tenu à alerter quant à de possibles «fautes éthiques et déontologiques graves» au cours des années 70 et 80. Elles concerneraient trois gynécologues français, lesquels auraient eu recours à leur propre sperme pour inséminer des patientes, «et ce à leur insu», rapporte France Info dans une enquête publiée ce mardi.

Au cours de ses investigations, la journaliste, qui a consulté le document en question, a pu également recueillir les témoignages de deux des trois femmes nées de don de gamètes entre 1974 et 1986, lesquelles «ont découvert des liens génétiques avec les familles des gynécologues de leurs mères».

Née d’une insémination en 1975, Natacha Jolivet a trouvé une correspondance avec quatre de ses «cousins génétiques», soit des personnes ayant elles-mêmes réalisé un test et partageant avec elle une part d’ADN. En l’occurrence, ici, il est question d’une première correspondance ADN de 4 %, «soit un lien génétique rapproché selon les spécialistes» interrogés par France Info. Le média a pu consulter les résultats issus de croisement entre données génétiques et arbres généalogiques. La conclusion est sans appel : il existe bien une filiation avec les parents du gynécologue de sa mère, mort depuis.

Idem pour Marjorie Mendes, la seconde personne interrogée, dont le «match» qui apparaît sur les résultats fait état de 4,6 % d’ADN partagé, suivie de «beaucoup d’autres». En effectuant ses recherches et en échangeant discrètement avec ses nouveaux «cousins génétiques» via les réseaux sociaux, «le nom du gynécologue de sa mère apparaît au cours de ces conversations». En réalité, elle découvre «des correspondances génétiques avec sept membres» de la famille du spécialiste, toujours en vie aujourd’hui : des enfants de cousins du médecin, une cousine directe du gynécologue et le petit-fils de sa sœur. «Quand je réalise, je commence à accuser le coup, raconte cette désormais trentenaire à France Info. C’est quand même une vraie violence.» Pour le cas de Marjorie Mendes, deux spécialistes sur trois consultés estiment à 99,9 % «la probabilité que le gynécologue ou l’un de ses frères soit le géniteur».

Le début d’un «scandale sanitaire» ?

Ces histoires, qui tendent à montrer les zones d’ombre qui entouraient les parcours de PMA avant les premières lois de bioéthique au début des années 90, pourraient n’être que le début d’«un scandale sanitaire», estime PMAnonyme auprès de France Info.

L’enquête pointe notamment les failles législatives de l’époque, où rien dans la loi n’interdisait le recours aux dons de sperme frais pour une insémination, chose interdite depuis la loi du 31 décembre 1991. Mais avant cela, «ce qui se passait dans les cabinets, nous n’en étions aucunement informés», relève un professeur de médecine et biologie de la reproduction interrogé par France Info. «C’était libre.»