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Lutte biologique

Des moustiques au «sperme toxique» : une potentielle solution pour freiner la transmission des maladies tropicales

Dans une étude publiée mardi 7 janvier, des scientifiques australiens présentent une nouvelle technique de lutte biologique contre les moustiques. L’idée est de tuer les femelles, les seules à piquer et à propager la dengue ou le paludisme.
Les moustiques transmettent de nombreuses maladies tuant chaque année un million de personnes dans le monde. (Yuri Cortez/AFP)
publié le 8 janvier 2025 à 10h32

Dengue, zika, chikungunya, paludisme, fièvre jaune… Les moustiques transmettent sans arrêt des maladies, certaines très dangereuses, tuant plus d’un million de personnes par an dans le monde. Pour endiguer le phénomène, accéléré par la mondialisation et le réchauffement climatique faisant apparaître de nouvelles espèces exotiques envahissantes un peu partout, les scientifiques misent sur la lutte biologique : utiliser les moustiques contre eux-mêmes. C’est ce qu’ont fait des chercheurs australiens, qui dévoilent dans une étude publiée mardi 7 janvier, une nouvelle technique. Du sperme «toxique» de moustiques génétiquement modifiés.

Leur approche, dite du «mâle toxique», consiste en l’élevage de moustiques dont le sperme contient des protéines venimeuses, mortelles pour les femelles après l’accouplement. L’objectif est ainsi de tuer les populations d’insectes femelles, qui sont les seules à piquer et à aspirer du sang avec le risque d’inoculer à leurs victimes des maladies infectieuses potentiellement létales. Selon le scientifique Sam Beach, de l’université australienne Macquarie, cette méthode «pourrait fonctionner aussi rapidement que les pesticides, sans faire de mal aux espèces bénéfiques».

«Cette solution innovante pourrait transformer la façon dont nous gérons les nuisibles, offrant l’espoir de communautés en meilleure santé et d’un futur plus durable», ajoute l’expert, participant à cette étude diffusée dans la revue Nature Communications. Les premiers essais, pour prouver le concept, se sont focalisés sur des mouches du vinaigre, une espèce communément utilisée en laboratoire du fait de sa courte durée de vie. Les sujets femelles qui se sont accouplés avec des mâles «toxiques» ont vu leur espérance de vie considérablement réduite, rapportent les chercheurs. La prochaine étape désormais : procéder à ces mêmes tests sur des moustiques, «afin d’être sûr qu’il n’y a pas de risque ni pour les humains ni pour d’autres espèces non-ciblées», affirme un autre scientifique.

Le génie génétique, qui consiste à manipuler l’ADN des organismes, est une technique utilisée de longue date pour contrôler les populations de moustiques responsables de la transmission de maladies, notamment en rendant stériles des cohortes de mâles. Mais des simulations par ordinateur montrent que la méthode «toxique» peut être bien plus efficace, affirme l’équipe de scientifiques.

Se pose la question du coût d’un tel programme, et la possibilité d’étendre cette technique à travers le monde. Contrairement aux insecticides, peu efficaces et dangereux pour la santé, la recherche scientifique dans la lutte biologique coûte cher, freinant inexorablement son développement. Pourtant, elle a d’ores et déjà fait ses preuves contre plusieurs espèces exotiques envahissantes, comme la pyrale du buis, une chenille envahissante, ou la mouche de la cerise.