Juin 1989. La France ne bruisse que du bicentenaire de la Révolution, mais nous sommes à Montréal où se déroule la cinquième conférence mondiale sur le sida, avec plusieurs milliers de participants, une foule unique, mélange de malades, d’activistes, de chercheurs et de médecins. L’article qu’envoie Gilles Pialoux pour l’édition de Libération du 6 juin est titré «Les malades défilent, la recherche marque le pas» : «Il est une image que les 10 000 participants de la conférence auront bien du mal à effacer de leur mémoire, écrit l’envoyé spécial de Libé, celle d’une centaine de manifestants, pour la plupart homosexuels et malades, venus crier leur lassitude et leur colère.» Et il a raison. L’air de rien, la conférence de Montréal marque un tournant, avec l’irruption des associations de malades comme acteurs de santé publique. Et un moment décisif sera le discours d’un associatif en séance plénière, une première. C’est celui de Daniel Defert, qui aura cette formule que tout le monde reprendra : «Le malade est devenu un réformateur social.»
Daniel Defert ne sort pas de nulle part. A 52 ans, c’est un intellectuel, sociologue. C’est aussi un militant (d’abord à la Gauche prolétarienne) engagé pour l’human