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Keep calm and carry on

Des scientifiques pensent avoir découvert comment le cerveau surmonte la peur

Des chercheurs ont identifié le mécanisme par lequel les souris dépassent leurs peurs instinctives, ce qui pourrait aider la recherche pour le traitement de patients souffrant d’anxiété et de phobies.
( Orbon Alija/Getty Images)
publié le 8 février 2025 à 19h12

La peur est un puissant outil de survie. Mais elle peut parfois nous induire en erreur. Ce chien surexcité du bout de la rue ? Finalement, c’est loin d’être un prédateur en puissance. Cette présentation attendue par vos collègues ? Il n’y a probablement rien à craindre. Dans une étude publiée jeudi 6 février, des scientifiques affirment avoir identifié la manière dont le cerveau surmonte une peur instinctive, offrant ainsi des pistes pouvant être utiles aux personnes qui luttent contre des troubles liés à la peur, notamment les phobies, l’anxiété et le syndrome de stress post-traumatique.

«Nous avons découvert le mécanisme par lequel le cerveau, grâce à l’expérience, peut comprendre quels dangers instinctifs potentiels n’en sont finalement pas», explique Sara Mederos, neuroscientifique au Sainsbury Wellcome Center de l’University College de Londres, qui a dirigé cette étude, évaluée par des pairs.

Les chercheurs britanniques ont exposé des souris à des scénarios inoffensifs répétés, qui imitaient un danger, et ont observé comment elles ont fini par apprendre à mettre leurs peurs de côté. Ce qui a permis de comprendre comment le cerveau des mammifères apprend à garder son calme et à continuer normalement face à une menace infondée. Selon l’étude, puisque les souris et les humains partagent des circuits neuronaux analogues, les résultats pourraient indiquer aux chercheurs en médecine où, dans le cerveau humain, cibler les traitements pour les troubles liés à la peur.

Le dispositif de l’étude : des souris et des ombres

Lors de l’expérience en laboratoire, les scientifiques ont étudié la réaction d’une centaine de souris face à une menace visuelle répétée qui s’est avérée inoffensive au fil du temps – en l’espèce, une ombre aérienne en expansion qui imitait le piqué d’un oiseau prédateur. Dans un premier temps, les souris ont couru se réfugier dans un abri lorsque l’ombre inquiétante est apparue, car leur réaction instinctive classique de peur s’est déclenchée. Mais après 30 à 50 simulations, les souris ont compris que la menace était inoffensive et ont appris à réprimer leur instinct. Les rongeurs ont continué à se nourrir et à explorer normalement, malgré cette ombre qui planait.

En insérant des sondes en silicium dans le cerveau des souris, les auteurs de l’étude ont pu suivre les mécanismes neuronaux qui s’allument lorsque les mammifères apprennent à supprimer leur peur. L’étude a permis d’identifier l’endroit où le cerveau stocke les souvenirs permettant d’ignorer les peurs instinctives : une zone jusqu’alors peu explorée, connue sous le nom de corps géniculé latéral ventral [proche du thalamus, ndlr]. Selon Sara Mederos, bien qu’il soit connu que cette zone était impliquée dans le processus de désapprentissage, il n’était pas clair jusqu’ici que c’était aussi là que les souvenirs étaient stockés. «Nous ne savions pas qu’il existait une possibilité de plasticité et d’apprentissage dans ces zones en aval.»

Cette zone du cerveau se situe entre le néocortex, qui détecte une menace, et le tronc cérébral, qui active la réponse instinctive du corps. Selon Sara Mederos, jusqu’à présent, les scientifiques qui étudiaient l’apprentissage et la mémoire chez la souris concentraient leur attention sur d’autres parties du cerveau, en particulier le cortex visuel. L’étude révèle ainsi que si le cortex visuel est essentiel pour apprendre à supprimer les peurs instinctives, le noyau géniculé latéral ventral est crucial pour stocker la mémoire.

Quelle application pour les humains ?

En comprenant les structures du cerveau activées par le processus de désapprentissage, la recherche pourrait s’avérer bénéfique pour aider à surmonter les troubles liés à la peur, explique Sara Mederos, ajoutant que les chercheurs en médecine pourraient cibler les mêmes circuits dans le cerveau humain par le biais d’interventions thérapeutiques telles que les médicaments, la stimulation cérébrale profonde ou les ultrasons fonctionnels. Ceci dit, souligne-t-elle, des recherches additionnelles sont nécessaires. «Le ciblage de zones cérébrales comme le noyau géniculé latéral ventral pourrait ouvrir de nouvelles voies pour traiter ces troubles», indique-t-elle.

L’étude montre également comment des molécules spécifiques, transmises par des neurotransmetteurs, sont libérées dans cette zone du cerveau et permettent d’apprendre à ne plus avoir peur. Selon la neuroscientifique, «des médicaments particuliers ciblant spécifiquement cette zone pourraient aider à traiter l’anxiété ou le syndrome de stress post-traumatique».

Article original de Leo Sands, publié le 6 février 2025 dans le «Washington Post»

Cet article publié dans le «Washington Post» a été sélectionné par «Libération». Il a été traduit avec l’aide d’outils d’intelligence artificielle, sous la supervision de nos journalistes, puis édité par la rédaction.