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Santé publique

Deux associations déposent un recours pour «forcer l’Etat à réagir» face à la pollution de l’eau potable

Elles demandent ce lundi au tribunal administratif de Nantes d’enjoindre l’Etat à mieux faire respecter la réglementation concernant la contamination au chlorure de vinyle monomère, un gaz classé par l’OMS «cancérogène certain».

Le chlorure de vinyle monomère est utilisé dans la fabrication du PVC, matière plastique très répandue dans les vieilles canalisations (photo d'illustration). (Romaiin Philippon/Libération )
Publié le 27/10/2025 à 19h44

Il est indolore, incolore et invisible et pourrait, selon le ministère de la Santé, provoquer des cancers du foie. Le chlorure de vinyle monomère (CVM), un gaz présent dans les canalisations d’eau potable installées avant 1980, se retrouve au cœur d’une nouvelle action en justice contre l’Etat, menée par deux associations de défense de l’environnement.

«Ce recours en injonction est une première en France sur le sujet du CVM et vise à forcer l’Etat, qui ne nous répond pas depuis des mois, à réagir», a déclaré Me Gabrièle Gien, avocate du Comité citoyen de la Sarthe et de la branche départementale de France Nature Environnement.

Des «fautes» commises par l’Etat

Classé «cancérogène certain» depuis 1987 par le Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC) et l’OMS, le CVM est un gaz produit chimiquement et utilisé dans la fabrication du très répandu polychlorure de vinyle (PVC).

Face au risque de santé publique qu’il pose, l’Union européenne a imposé en 1998 un taux réglementaire inférieur à 0,5 microgramme par litre, seuil au-dessus duquel l’eau ne peut plus être considérée comme potable. Depuis 2010, le droit français prévoit quant à lui la réalisation de contrôles réguliers par les fournisseurs d’eau, supervisés par les Agences régionales de santé.

Pourtant, des «fautes» ont été commises par l’Etat, avance Me Gien, spécialiste du droit de l’environnement. Parmi celles-ci, des manquements dans le «respect des réglementations qui s’imposent» en matière d’identification des tronçons de canalisations contaminées, de contrôle et d’information des populations concernées.

15 % à 30 % du réseau français probablement contaminé

Selon le chercheur Gaspard Lemaire, le CVM serait présent dans 15 % à 30 % du réseau français, soit environ 275 000 kilomètres de canalisations. Un chiffre non négligeable et pourtant mal connu du public : d’après l’expert, «moins d’un quart des contaminations recensées seraient rendues publiques».

Dans une tribune publiée dans Libération, le spécialiste alertait la semaine dernière contre un «discours trompeur» tenu par le ministère de la Santé au sujet du gaz cancérogène, celui-ci relativisant la dangerosité pourtant établie par de «nombreuses études toxicologiques» d’une exposition au CVM par ingestion.

Des risques d’autant plus élevés pour les habitants des zones rurales, souligne Gaspard Lemaire, que les canalisations de ces derniers se situent à l’extrémité des réseaux d’eau. L’eau y stagne ainsi davantage, accroissant mécaniquement sa contamination en gaz.

Déjà interpellé au sujet de la pollution de l’eau en France, l’Etat fait ici encore preuve d’un «manque de réaction», dénonce Me Gien. L’action intervient en effet à la suite de plusieurs autres engagées par des habitants de différentes communes en France confrontés à des pollutions au CVM. «Il était temps d’agir à une échelle nationale, pour obtenir le respect de règles non respectées et obtenir des réactions», abonde Hervé Conraux, membre du Comité citoyen de la Sarthe.