«Didier Raoult utilise des patients précaires et souvent étrangers comme des cobayes. C’est inhumain.» Dans une enquête publiée ce vendredi, Mediapart cite des employés anonymes de l’Institut hospitalo-universitaire de Marseille, dirigé par Didier Raoult. Les faits reprochés sont gravissimes : des essais cliniques de traitements contre la tuberculose non déclarés et donc illégaux.
Le média en ligne a eu accès à «des comptes rendus d’hospitalisation et des échanges de courriels» révélant «que depuis au moins 2017 et jusqu’en mars 2021, l’IHU a prescrit, malgré les refus de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), une combinaison de quatre médicaments, dont l’efficacité dans le traitement de la tuberculose n’a jamais été démontrée, ni même évaluée, et qui pouvait même être toxique».
En conséquence des traitements reçus, plusieurs patients, dont un mineur de 17 ans, ont connu des complications médicales graves. «Mais la goutte d’eau a été de voir deux patients finir en urgence au bloc opératoire pour des complications rénales qu’on aurait pu éviter. Ils sont roumains et ne porteront jamais plainte. Ils ne se doutent même pas qu’ils ont été utilisés pour des essais interdits», poursuit le témoin interrogé par Mediapart.
D’autres essais cliniques dans le viseur
Selon le média, les différentes institutions concernées, l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM), l’ANSM et l’ARS, sont alertées et mènent leurs propres enquêtes.
Ce n’est pas la première fois que les protocoles de l’IHU sont critiqués dans la presse. Le 6 octobre, l’Express mettait à jour l’absence de déclarations obligatoires «pour au moins trois essais cliniques de l’IHU portant sur des greffes fécales». En juillet, l’hebdomadaire avait déjà dévoilé une enquête sur «des études publiées par l’équipe du célèbre professeur frôlant, voire franchissant, les limites de la loi qui encadre les expérimentations sur des êtres humains».
En mai 2020, Libération mettait au jour un problème dans la fameuse étude de Didier Raoult sur l’utilisation de l’hydroxychloroquine et de l’azithromycine pour les patients atteints de Covid-19. «Présentée comme une simple analyse de données de soin, elle semble pourtant relever d’une “recherche impliquant la personne humaine” (RIPH) nécessitant l’autorisation d’un comité d’éthique indépendant», écrivait-on alors. Le professeur marseillais de 69 ans pourrait être rattrapé par la justice avant son départ à la retraite. Il risque jusqu’à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende si l’infraction à la législation sur les essais cliniques est avérée. Les fondateurs de l’IHU ont acté son départ d’ici le 30 septembre 2022.