Toasts de saumon et de foie gras, escargots flottant dans leur beurre persillé, dinde fourrée aux marrons, bûche au chocolat ou à la crème vanille… Les fêtes de fin d’année riment avec des cadeaux sous le sapin et surtout des retrouvailles familiales et amicales autour de tables très bien garnies. C’est ainsi qu’émergent chaque année un flot d’astuces et recommandations pour «limiter la casse» sur la balance la balance avant, entre et après la valse des repas… En alimentant des inquiétudes qui n’ont pas vraiment lieu d’être.
La diète après les fêtes sert-elle vraiment à quelque chose ?
Qui n’a pas déjà vu ce proche qui, après Noël et à l’horizon du nouvel an, refuse toute part de brioche et se contente d’une salade verte – tout en lançant des regards pleins d’envie vers le mets refusé. «Kilos en trop» obligent. Se mettre à la diète pour «préparer son corps» à l’excès, ou au contraire le compenser, est une idée bien répandue. Pas légitime pour autant. «Si le but est de manger un maximum pendant le réveillon, ne rien avaler depuis la veille va effectivement permettre d’ingurgiter plus de nourriture. Si c’est pour le poids, c’est inutile», tranche Boris Hansel, professeur en nutrition à l’hôpital Bichat et animateur de la chaîne YouTube de santé Pums, produite par l’université Paris-Cité.
Restrictions inutiles et frustrantes. «Arriver affamé à un repas, c’est surtout augmenter la probabilité de manger plus vite et de moins profiter. Alors que se priver n’aura de toute façon pas d’impact sur le poids», complète Anne-Laure Laratte, diététicienne nutritionniste en Ille-et-Vilaine. Celle qui se fait aussi appeler «Miamologue» sur Twitter et Instagram insiste : «Une prise de poids ne se produit pas avec 300 calories en plus pendant deux ou quatre repas, mais tous les jours pendant des mois. Au moment des fêtes, il y a seulement des fluctuations pondérales.» Autrement dit, si votre balance s’emballe un peu au lendemain de votre réveillon, pas de panique : en reprenant vos habitudes, les kilos repartent en quelques jours. «Notre corps s’autorégule. Après les fêtes, on a en général moins faim : il faut éviter de sauter des repas, mais si on écoute son appétit, on va moins manger», souligne la nutritionniste.
Se priver volontairement peut même devenir contre-productif. Certes, un jeûne exceptionnel de vingt-quatre ou quarante-huit heures n’a pas d’effet négatif sur le plan biologique. «C’est plutôt la répétition de ce genre de situation et l’état d’esprit qu’elle engendre qui peut poser problème», convient Boris Hansel. Et entraîner, chez les personnes déjà fragiles, une spirale négative pouvant mener à des troubles alimentaires. «Certains mettent en place une restriction cognitive, et classent les aliments en bons et mauvais, détaille Anne-Laure Laratte, aussi spécialiste des comportements addictifs. L’exemple typique, c’est se priver du moindre carré de chocolat. Jusqu’au jour où on n’a pas le moral et qu’on avale une tablette entière. Avec, derrière, un sentiment de culpabilité et une perte de confiance.»
Est-ce utile de changer son alimentation le soir du réveillon ?
Même principe pour le repas de fêtes en lui-même. Vous avez prévu des alternatives «healthy» pour supprimer des calories jugées superflues ? Pourquoi pas si elles vous font envie. Mais inutile de vous empêcher de savourer du foie gras sur du pain d’épices ou une part de bûche à la crème. «Je m’oppose à ces discours qui suggèrent de placer le saumon sur du concombre plutôt que des toasts en pain de mie, de remplacer les canapés par des tomates cerises, s’agace Boris Hansel. Les recommandations nutritionnelles pour les repas ponctuels n’ont aucun sens. L’équilibre alimentaire se fait sur la semaine, le mois, l’année.»
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Les personnes qui ont des allergies ou qui suivent un traitement pour l’hypertension artérielle ou le cœur doivent en revanche faire attention. «On sait que le mélange sel, alcool et graisse peut engendrer brutalement une augmentation de la tension artérielle ou aggraver une maladie cardiaque. En règle générale, les personnes atteintes de maladies chroniques doivent se référer aux recommandations de leur médecin traitant», rappelle le praticien. Pour celles atteintes de troubles du comportement alimentaire, le mieux est de prévoir en amont quels aliments ou rythme de repas leur conviendrait.
En dehors de ces cas particuliers, peu importe «l’excès», l’important est de se faire plaisir. «Ce n’est pas lors d’un soir de fête qu’on gère un problème d’alimentation chronique», résume-t-il. Sa consœur recommande seulement de «bien s’hydrater pour limiter les migraines dues à l’alcool», écouter ses envies et son appétit en évitant de se resservir à tout prix. «Ce n’est pas une histoire de poids ou de santé, seulement de ne pas finir malade avec le ventre en vrac.»
Et ôtez toute mixture ou aliment «détox» de votre esprit. Le concept relève plus d’un business que de la santé : un organisme bien portant se «détoxifie» très bien tout seul, avec le foie, les reins, la peau. «Tout le discours pseudoscientifique qui consisterait à purifier son corps relève de la pensée magique et ne correspond à aucune réalité», balaie le médecin.
Faire du sport dès le 2 janvier peut-il avoir un impact sur le poids ?
Oui à la promenade digestive, qui peut être conviviale et permettre de se sentir moins lourd. Non aux squats et abdos faits à la hâte dans sa chambre voire au programme intensif destiné à «compenser». «Augmenter son activité physique à cette occasion, sur un temps court, n’a pas d’effet, pointe encore Boris Hansel. Ce qui en a, c’est de marcher régulièrement, faire du vélo… Bref, intégrer progressivement le sport dans ses habitudes. A suivre subitement un programme présenté par des influenceurs, on risque surtout de se faire mal.»
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Anne-Laure Laratte va même plus loin : «Limiter le sport à la perte de poids le rend malsain. Pareil pour l’alimentation, il ne faut pas la considérer uniquement comme une entrée et sortie de calories ! C’est aussi du partage.» Ainsi, les repas entre famille et amis font partie d’une alimentation équilibrée : leurs excès, s’ils sont ponctuels, n’ont pas d’impact négatif, même chez ceux qui auraient un problème de poids.
«La nutrition n’est pas une question aiguë, mais chronique. Ce sont les habitudes quotidiennes qui comptent», répète Boris Hansel. L’essentiel se trouve plutôt dans une bonne hygiène de vie sur l’année, faite d’alimentation équilibrée, activité physique et sommeil suffisant. Donc rien ne sert de se priver de galette en janvier.