Alors que la moitié de la population aura plus de 65 ans en 2040, la France se dote d’une loi sur le «bien vieillir». Maintes fois évoquée, amendée à plusieurs reprises, elle a été adoptée par le Parlement après un ultime vote au Sénat ce mercredi 27 mars. Autant dire que le chemin parlementaire a été long : la proposition de la loi avait été déposée en décembre 2022.
L’enjeu est pourtant de taille, car de plus en plus de Français seront concernés par une perte d’autonomie - 4 millions en 2050, selon les estimations de la Drees. Certains souhaiteront rester chez eux le plus longtemps possible, d’autres résideront dans différents établissements, dont les Ehpad. Lesquels ont été émaillés par une série de scandales, impliquant maltraitances et personnel insuffisant. Ce manque de moyens financiers et humains est d’ailleurs régulièrement déploré par les acteurs du secteur, comme beaucoup d’autres issus du monde médical et social. Cette nouvelle loi est censée apporter de premières réponses. On fait le tour de ses dispositions.
Droit de visite quotidien et animaux dans les Ehpad
Sous les projecteurs médiatiques depuis plusieurs mois, les Ehpad occupent une place importante dans le texte. Après le traumatisme du Covid et des résidents privés de leurs proches pendant des mois, la loi sanctuarise un droit de visite quotidien pour les personnes prises en charge dans des établissements de santé et en Ehpad. Un «droit absolu» de visite quotidienne est reconnu aux personnes en fin de vie ou en soins palliatifs, même en cas de crise sanitaire.
Une autre nouveauté avait suscité un peu plus de débats entre députés et sénateurs : les résidents auront le droit d’amener avec eux leur animal de compagnie, sous réserve de pouvoir s’en occuper eux-mêmes. «La présence de l’animal est essentielle pour le bon équilibre des pensionnaires. Si cette personne a vécu cinq, six, peut-être dix ans avec un animal et doit s’en séparer […] c’est traumatisant», avait soutenu l’associative Fabienne Houlbert auprès de Libération lors des débats. Jusqu’ici, chaque établissement choisissait d’inclure ou non cette possibilité et ses conditions dans son propre règlement. Un arrêté ministériel déterminera les conditions précises d’hygiène et de sécurité, ainsi que les catégories d’animaux acceptés. «Il va falloir être réaliste», avait averti la ministre Fadila Khattabi début mars : ce seront surtout «les chiens, les chats, le poisson rouge, le petit canari» qui seront bienvenus.
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Plusieurs autres dispositions concernent le contrôle des Ehpad et l’évaluation de leur qualité de prise en charge. Un cahier des charges établi par arrêté ministériel fixera par exemple des règles sur la quantité et la qualité nutritionnelle des repas.
Carte professionnelle pour les aides à domicile
Un service départemental de l’autonomie verra aussi le jour dans l’ensemble du pays. Il s’agit, en clair, d’un «guichet unique» pour simplifier le parcours des personnes âgées, handicapées et leurs proches. Dispositif bienvenu : un récent rapport pointe le manque criant de coordination entre les différentes structures existantes. Avec, derrière, des personnes déjà vulnérables complètement perdues.
Le texte crée aussi une carte professionnelle pour les aides à domicile travaillant auprès de ces personnes vulnérables. L’idée est de mieux reconnaître la profession, et en creux sa pénibilité. Les professionnels devront fournir une «certification professionnelle» ou devront justifier de «deux années d’exercice dans des activités d’intervention au domicile des personnes âgées et handicapées».
Instance de signalement départementale contre les maltraitances
La loi comporte aussi un volet maltraitance, à nouveau mise en lumière dimanche par une enquête de l’émission Zone interdite sur les défaillances dans le secteur du handicap. La loi prévoit la mise en place d’une instance de signalement départementale. Elle regroupera l’ensemble des appels reçus au numéro d’alerte national 3977.
Une loi de programmation obligatoire tous les cinq ans
Ces dispositions sont relativement consensuelles et leur intérêt reconnu par les acteurs du secteur. Pourtant, la déception s’est fait sentir avant même son adoption : la crainte que l’exécutif n’en reste à cette loi règne. On serait bien loin de l’ambitieux texte sur l’autonomie promis par le chef de l’Etat en 2017. Elisabeth Borne l’avait certes annoncé pour l’été 2024, mais son engagement semble caduc : le dérapage budgétaire traversé par les finances françaises en appelle plutôt aux économies.
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«Nous débattrons bien, ensemble, de la stratégie, de la gouvernance et, bien entendu, du financement», avait tenté rassurer la semaine dernière la ministre Fadila Khattabi, déléguée aux Personnes âgées. Réponse jugée trop floue par les parlementaires d’opposition. Un article de la loi impose bien au gouvernement de présenter une loi de programmation pluriannuelle «tous les cinq ans», dont une première «avant le 31 décembre 2024» : dispositif uniquement symbolique pointent les oppositions. Neuf chefs de groupes parlementaires ont demandé un «engagement solennel, associé à un calendrier précis» sur un projet de loi grand âge, dans une lettre ouverte au Premier ministre.
«Ce n’est pas de chiens et de chats dont on a besoin dans les Ehpad, c’est d’infirmiers et d’infirmières» avait lancé le député socialiste Jérôme Guedj, passablement énervé lors des débats à l’Assemblée. Selon une enquête menée en 2023 par la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées, la quasi-totalité de ses adhérents estimaient être déficitaires. Plus des trois quarts manquaient de personnel.