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Détresse

Ehpad : l’inscription du droit de visite dans la loi recommandée par un rapport au gouvernement

La pandémie de Covid-19 en Francedossier
Après les confinements face au Covid-19, un rapport commandé par le ministère de la Santé dans le cadre de la proposition de loi sur le bien vieillir défend ce mardi 14 novembre l’instauration d’un «droit absolu de recevoir» pour les résidents d’Ehpad.
Le rapport pointe encore aujourd'hui des plages horaires «très contraignantes» dans certains établissements, avec des visites possibles uniquement entre 14 heures et 16 heures. (Florence Brochoire/Libération)
publié le 14 novembre 2023 à 16h10

Les visites interdites, la solitude. Du confinement, les seniors dans les Ehpad aussi en ont souffert. Nombre d’entre eux sont morts dans l’isolement. De l’autre côté, de nombreuses familles n’ont jamais pu dire leur dernier au revoir. Le rapport «Liens entravés, adieux interdits», remis au gouvernement ce mardi 14 novembre, propose notamment d’inscrire dans la loi le droit de visite dans les Ehpad. Le but : éviter à tout prix que la situation «inhumaine» lors du Covid-19 ne se reproduise.

En tout, le rapport commandé par le ministère de la Santé dans le cadre de la proposition de loi sur le bien vieillir, avance une quinzaine de mesures. Parmi elles donc l’instauration d’un «droit absolu de recevoir» pour le résident sans «aucune limite horaire de visite». Une mesure d’autant plus urgente «qu’on constate encore aujourd’hui des restrictions de visites inappropriées», dénonce Laurent Frémont, juriste et fondateur du collectif «Tenir ta main», qui défend le droit de veiller sur ses proches hospitalisés. Celui-ci pointe dans certains établissements des plages horaires «très contraignantes» avec des visites possibles uniquement entre 14 heures et 16 heures.

Une formation de base en soins palliatifs pour les professionnels des Ehpad fait également partie des préconisations du rapport. Parvenir à une reconnaissance officielle des manquements constatés durant cette période de crise, à travers la création d’une journée de mémoire symbolique ou d’un lieu de recueillement spécifique est également l’un des objectifs de ce rapport. L’impossibilité de dire adieu à ses proches pendant cette période inédite avait créé un traumatisme chez de nombreuses familles.

Détresse psychologique

Chez les résidents, «on a pu observer un sentiment d’abandon, un repli sur soi, un refus de s’alimenter, et le ‘’syndrome de glissement’’», un état de détresse psychologique amplifié par l’isolement pouvant être fatal, déplore Laurent Frémont. Du côté des familles aussi les conséquences sont lourdes : «On a relevé des deuils traumatiques, des stress post-traumatiques, un sentiment très fort de culpabilité et d’abandon quand les adieux n’ont pas pu être faits», poursuit le président de l’association «Tenir ta main».

Le rapport fait état de cette détresse, ce désespoir et l’impuissance des deux côtés. En l’espace de trois ans, plus de 10 000 témoignages ont été recueillis dans le cadre de la mission de réflexion sur le droit de visite : «Elle est morte, seule, sans nous pour lui tenir la main» ; «Il est mort abandonné sur un lit d’hôpital, sans une présence pour lui dire je t’aime, merci, on est là avec toi» ; «Je n’ai pas pu revoir le visage de mon père, je suis passée d’une porte de Samu à un cercueil fermé», est-il rapporté dans le document.

Aujourd’hui, les proches peuvent rendre visite aux résidents. Mais le Covid-19, lui, est toujours présent. Voici une des raisons pour lesquelles le rapport dresse un plan en cas de crise : dans un contexte similaire, les restrictions doivent «être proportionnées, limitées dans le temps, motivées précisément» et «accompagnées de modalités alternatives de visite, afin de préserver les droits et éviter l’isolement».