Une éclaircie, pas encore une franche embellie. Nicolas Revel, le directeur général de l’AP-HP, le dit lui-même. Il n’est pas question de crier victoire trop vite. Mais il a désormais quelques motifs d’espérer que le plus dur de la «crise multifactorielle» qui mine le vaisseau amiral de l’hôpital public est passé. C’est que l’hémorragie de soignants, cause principale des fermetures de lits d’hospitalisation en pagaille ces dernières années, semble en passe d’être cautérisée.
Pour la première fois depuis 2019, le premier groupement hospitalier de France devrait finir l’année avec un effectif infirmier stable. «On a réussi à freiner les départs et à accroître les embauches, notamment sur le second semestre, se félicitait Revel mercredi. Cela va nous permettre de rouvrir 400 lits en octobre et novembre.» De quoi aborder plus sereinement la période hivernale et ses traditionnelles épidémies.
Cohésion des équipes
De quoi aussi valider le cap du directeur général. C’est qu’à défaut de pouvoir augmenter les salaires (une prérogative de l’Etat), l’AP-HP se démène depuis un an pour séduire les soignants, et les infirmiers au premier chef. Pour les retenir et les attirer, toute une série d’actions ont été engagées : augmentation du nombre de logements de fonction proposés en Ile-de-France (quelque 1 100 en 2023, contre 600 annuels précédemment), octroi de gratifications aux équipes de nuit (remboursement du pass Navigo et attribution de tickets-restaurants), ou création de «postes supports» (300 cette année) au sein des services pour soulager les cadres infirmiers de tâches logistiques chronophages ou remédier aux problèmes informatiques.
En matière d’organisation du temps de travail, l’AP-HP innove : 72 services, sélectionnés après un appel à projet, expérimentent désormais des plannings sur mesure. «On attend de savoir si cela va générer de la fidélisation, indique la direction. Ce qui est sûr c’est que les jeunes sont très demandeurs de concentrer leur temps de présence sur quatre jours…»
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Ces améliorations des conditions de travail et de vie des soignants s’accompagnent de changements en profondeur. Convaincu que la fidélisation passe aussi par un renforcement de la cohésion des équipes, Nicolas Revel travaille à redonner leurs lettres de noblesse aux services. En clair, à leur rendre une certaine autonomie vis-à-vis des strates de directions administratives. «En 2024, tous les services auront un effectif et un budget, ce qui n’est aujourd’hui pas le cas, promet le directeur. Si un poste est vacant, les chefs de service auront même la possibilité de recruter un autre profil de soignant que celui qui manque.»
«Trois ou quatre ans d’efforts»
Par ailleurs la direction s’attache à éliminer les irritants, à commencer par le premier d’entre eux : les dysfonctionnements informatiques. Revel se donne trois ans pour remettre à niveau les réseaux informatiques et renouveler l’intégralité du parc d’ordinateurs aujourd’hui «obsolescent».
Reste que la partie est loin d’être gagnée. Au regard des 1 800 lits fermés entre 2018 et 2020, les réouvertures en 2023 relèvent de la goutte d’eau (un solde de 200 lits sur l’année). Avec une capacité d’accueil hospitalier si détériorée, difficile de redynamiser l’activité, et par voie de conséquence de redresser des comptes toujours dans le rouge vif, avec 400 millions de pertes attendues en 2023. Nicolas Revel le reconnaît : «On a un furieux besoin de rouvrir des lits. Mais on tient notre trajectoire. C’est le début, c’est fragile. Il va nous falloir trois ou quatre ans d’efforts pour revenir au niveau de 2018.»