Depuis plusieurs jours, l’épidémie de Mpox – anciennement appelée variole du singe – inquiète les autorités internationales. Considérée comme plus mortelle que les variants précédents, une nouvelle souche du virus, baptisée «clade 1b», se propage ces derniers mois en Afrique centrale, après avoir été détectée en république démocratique du Congo (RDC). Devant la multiplication des cas, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a décrété une «urgence de santé publique de portée internationale» mercredi 14 août, le plus haut niveau d’alerte.
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Le lendemain, l’Agence suédoise de santé publique a annoncé qu’un cas du nouveau variant avait été repéré sur son territoire – le premier en dehors du continent africain. Pour l’OMS, il est désormais «probable que d’autres cas importés de clade 1 soient enregistrés dans la région européenne au cours des prochains jours et des prochaines semaines». Mais si la vaccination est primordiale pour les personnes à risque, l‘infectiologue et chercheuse à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale Karine Lacombe se montre confiante pour endiguer l’épidémie.
Existe-t-il un vaccin efficace contre le Mpox ?
Oui. Aujourd’hui, le vaccin principal qui est utilisé est celui qui combat la variole, et qui n’a donc pas été élaboré spécifiquement contre le Mpox. Mais comme il s’agit de virus proches, on s’est rendu compte que ce vaccin protégeait aussi contre le Mpox. Au moment de l’épidémie en 2022, la campagne s’était révélée très efficace. Une étude publiée dans la revue The Lancet le 31 juillet a d’ailleurs montré que le déploiement rapide de cette vaccination parmi les hommes qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes, et qui figurent parmi les plus touchés par le virus, permet de réduire de 99 % le risque de Mpox.
Evidemment, le responsable en 2022 était une autre variante, le clade 2. La question qui se pose maintenant, c’est de savoir si ce vaccin protège aussi contre la nouvelle souche, le clade 1b. Pour l’instant, on n’a pas de réponses précises. C’est en cours d’analyse, mais on pense que oui. On devrait avoir plus d’informations dans les quinze prochains jours.
Y a-t-il une quantité de vaccins suffisante en Europe et surtout en Afrique ?
Alors là, c’est à l’Etat qu’il faut demander (rires). Il semblerait que oui. En tout cas, nous, au niveau médical, on n’a reçu aucune alerte sur le fait qu’il n’y avait pas assez de stocks. En France, il faut comprendre qu’on n’a jamais arrêté de vacciner les personnes à risque contre le Mpox. Maintenant, c’est sûr qu’on va avoir une augmentation de la demande, mais on ne nous a pas signalés de problème. Par contre, je pense qu’il faut vraiment que le ministère de la Santé communique sur le sujet, pour rassurer la population sur la présence des vaccins.
Sur le continent africain, en revanche, c’est clair que l’accès n’est pas suffisant. L’Union européenne a annoncé qu’elle allait donner 215 000 doses de vaccins [à l’Africa CDC, le centre de contrôle et de prévention des maladies du continent, ndlr], mais bon… La priorité aujourd’hui, c’est de vacciner les pays les plus touchés, où se situe le foyer de l’épidémie : la RDC et les pays limitrophes.
Vous évoquez des difficultés pour vacciner les populations dans les régions les plus touchées comme l’Afrique centrale. Quelles sont-elles ?
Ce n’est pas tant la quantité de vaccins qui pose problème, mais les obstacles sur toute la chaîne de distribution. En RDC, la zone où l’on compte beaucoup de cas de Mpox est aussi une zone en guerre. La délivrance des vaccins est donc très compliquée, et c’est pour ça que c’est inquiétant. Il faut aussi mobiliser des ressources médicales humaines, qui manquent dans certaines régions. Dans les pays limitrophes touchés, comme l’Ouganda, le Rwanda ou le Kenya, le niveau sanitaire est plus élevé, et j’espère que des campagnes de vaccination à large échelle seront mises en place.
Il faut vraiment compter sur la vaccination, parce que pour l’instant, on n’a pas de traitements efficaces contre les formes graves de cette maladie. Des pistes sont à l’étude, mais elles ne sont pas encore développées à ce jour. En revanche, il a été démontré que lorsqu’on prend bien en charge les formes graves à l’hôpital, la mortalité est très faible. La plupart des gens qui meurent décèdent chez eux. A l’hôpital, les patients sont hydratés, on soigne la douleur, car c’est une pathologie très douloureuse, on soigne les surinfections bactériennes avec les antibiotiques, donc la mortalité est beaucoup plus faible.
Qu’est-ce qu’implique la décision prise par l’OMS de déclencher l’«urgence de santé publique internationale» ?
C’est une décision fondamentale. Ça va permettre de libérer des moyens et de pousser les Etats à investir dans l’achat de vaccins et dans la mise en place de moyens diagnostics. Aujourd’hui, il faut une mobilisation internationale : les gouvernements, les associations et les ONG doivent mettre en place des chaînes de distribution efficaces pour vacciner.
Ensuite, ça permet de prendre conscience du problème. La décision de l’OMS est survenue assez tôt. L’agence de santé de l’Union africaine avait déclaré «une urgence de santé publique» sur son continent, mais le fait que l’OMS le déclare pour le monde entier fait prendre conscience que le virus va sortir d’Afrique. On le voit bien avec le cas en Suède par exemple. En France, il y aura des cas dans les quinze jours, c’est sûr. Donc il faut être prêt à agir très rapidement.
En 2022, la campagne de vaccination avait ciblé les personnes à risque. Qu’en est-il aujourd’hui ?
A priori, on va rester sur des vaccinations ciblées, comme les hommes qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes, les personnes ayant des partenaires multiples et celles qui ont été en contact avec des malades. Il n’y aura pas de vaccination large à l’échelle nationale. Après, comme toujours en sciences, les connaissances évoluent. Il faudra suivre les choses et adapter la réponse en fonction de la propagation du virus. Mais ce qui est certain, c’est que la campagne de vaccination de 2022 doit nous rassurer. On a quand même réussi à contrôler l’épidémie en quelques mois. J’espère que ce qu’on a fait à l’époque va nous servir pour maîtriser la nouvelle souche clade 1b. Aujourd’hui, on connaît la maladie et on connaît le diagnostic, ce qui était moins le cas en 2022. Il faut désormais rester vigilant, augmenter le potentiel de vaccination et continuer à informer. Mais je suis confiante.