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Epidémie

Face à la bronchiolite des nourrissons, le pari gagnant de l’anticorps monoclonal Beyfortus

La campagne de prévention lancée le 15 septembre par l’ancien ministre de la Santé Aurélien Rousseau s’est avérée efficace pour protéger les nourrissons, selon deux études dévoilées ce vendredi 26 avril.
Selon Santé publique France, les effets d’une injection préventive de Beyfortus sur la santé des nourrissons sont indéniables, avec une efficacité du traitement estimée entre 76 % et 81 %. (Aline Morcillo/Hans Lucas. AFP)
publié le 26 avril 2024 à 12h42

De son passage à la tête du ministère de la Santé, Aurélien Rousseau garde en mémoire des moments délicats. «Par exemple, quand j’ai décidé de commander du Beyfortus, un nouveau traitement contre le virus de la bronchiolite, s’est remémoré le 18 avril le conseiller d’Etat devant des étudiants de Sciences-Po. Est-ce que cela allait vraiment protéger les petits ou est-ce que c’était de l’argent public jeté par les fenêtres ? En vrai, sur le moment, je n’en savais rien. Mais j’ai pris le pari.» A raison, selon les conclusions de deux études menées par Santé publique France et l’Institut Pasteur, dévoilées ce vendredi 26 avril.

Jusque-là, le doute était de mise. Cet automne, l’intensité de l’épidémie de bronchiolite a certes été bien moindre qu’en 2022 : pas de submersion cette fois des services hospitaliers de pédiatrie parisiens ni de transfert en urgence de nourrissons gravement atteints à plusieurs centaines de kilomètres de chez eux. Mais était-ce dû à une virulence saisonnière plus faible du virus respiratoire syncytial (VRS), agent responsable de nombre de bronchiolites graves ? Ou alors le fruit de la campagne d’immunisation préventive des nourrissons, via l’administration de l’anticorps monoclonal nirsevimab (Beyfortus), lancée le 15 septembre par Rousseau ?

5 800 hospitalisations évitées

Pour en avoir le cœur net, Santé publique France a décidé d’évaluer en vie réelle l’efficacité du nirsevimab chez les enfants de moins de deux ans atteints de bronchiolite à VRS admis en réanimation. Entre le 15 septembre 2023 et le 31 janvier 2024, l’agence sanitaire a observé l’évolution de la maladie chez 288 nourrissons, selon qu’ils aient ou pas bénéficié du traitement. Conclusion : les effets d’une injection préventive de Beyfortus sur la santé des nourrissons sont indéniables, avec une efficacité du traitement estimée entre 76 % et 81 %. Une analyse qui corrobore les résultats d’une étude clinique internationale menée auprès de 8 058 nourrissons.

Quel a dès lors été l’impact de la campagne préventive sur la santé publique ? Pour le mesurer, les chercheurs de l’Institut Pasteur et les épidémiologistes de Santé publique France ont développé un modèle mathématique, intégrant les modes de transmission du VRS dans les différents groupes d’âge et des scénarios plausibles d’administration du nirsevimab, basés sur les données de livraison des doses aux maternités et aux pharmacies. Leurs résultats valident l’approche préventive : le Beyfortus aurait en effet évité 5 800 hospitalisations pour bronchiolite à VRS après passage aux urgences, dont 4 200 chez les enfants âgés de 0 à 2 mois, entre le 15 septembre 2023 et le 4 février 2024.

«Cela correspond à une réduction de 23 % du nombre total d’hospitalisations pour bronchiolite à VRS après passage aux urgences chez les 0-2 mois par rapport au scénario sans administration (de Beyfortus)», précisent les chercheurs. Autrement dit, une hospitalisation pour bronchiolite aurait été évitée pour 39 enfants traités. «Notre étude met en évidence la pertinence de l’administration du nirsevimab pour réduire les hospitalisations dues au VRS», conclut Simon Cauchemez, responsable de l’unité de modélisation mathématique des maladies infectieuses à l’Institut Pasteur. Certains paris valent le coup d’être pris.