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Libération
Edito

Fin de vie : le poids de la morale

Les mises en examen des membres de l’association Ultime Liberté mettent en lumière le combat des personnes demandant à mourir dans la dignité. Il est temps que la France évolue.
Pour les membres de l’association Ultime Liberté, le pentobarbital était la promesse de cette délivrance. (felipe caparros cruz/Getty Images)
publié le 7 mars 2021 à 21h03

Déjà légalisés en Suisse, en Belgique, aux Pays-Bas et au Luxembourg, l’euthanasie ou le suicide assisté pourraient l’être en Espagne et au Portugal dans les mois à venir. En France, la loi se limite aujourd’hui à préciser les modalités d’accompagnement médical de la «fin de vie» : les textes Leonetti (2005) puis Claeys-Leonetti (2016) encadrent l’accompagnement des malades selon le double principe de l’opposition à «l’acharnement thérapeutique» et l’amélioration des conditions cliniques des patients en fin de vie. Des barbituriques tels le midazolam ou le Rivotril sont ainsi utilisés par les équipes médicales pour la prise en charge palliative des patients, pour éviter les risques de suffocation par exemple. La sédation profonde a alors pour but d’alléger la souffrance et non de provoquer la mort, fut-elle désirée. Un progrès, certes, mais aucunement la solution pour celles et ceux qui ont décidé d’abréger leurs souffrances, délibérément et en conscience.

Pour les membres de l’association Ultime Liberté, le pentobarbital était la promesse de cette délivrance. Utilisé dans d’autres pays pour le suicide assisté − et aux Etats-Unis pour les exécutions de condamnés à mort −, il serait l’assurance d’une mort aussi paisible que celle de Socrate, rapportée par Platon. Ciguë des temps modernes, le Nembutal est amer au goût, comme son lointain ancêtre. Libération est allé à la rencontre de ces buveurs de mort, pour qui les poursuites judiciaires et les jugements moraux s’ajoutent à la maladie. Car si le débat sur la fin de vie revient ces jours-ci dans les cénacles parlementaires, la société française bouge lentement sur cette délicate question. Troublante ironie, plaider la légitimité de leur quête mortifère et libératoire risque bien de devenir pour ces hérauts peu ordinaires le combat de ce qui leur reste de vie. Portant la voix des milliers d’autres pour qui mourir dans la dignité est la dernière des volontés.