L’équilibre est plus que fragile. Les soignants sont à un «point de rupture», a estimé ce jeudi Rémi Salomon, président de la Commission médicale d’établissement (CME), l’instance représentative des médecins au sein des hôpitaux de Paris (AP-HP), sur France Info. «On est arrivé à un point de rupture, à une bascule, avec une sorte de découragement, de désengagement» des soignants, a dit le Professeur Salomon, qui préside aussi la Conférence des présidents de CME des CHU de France.
Une déclaration qui intervient au lendemain de l’annonce de futures mesures par la ministre de la Santé, Brigitte Bourguignon. «Sans attendre» les conclusions de la mission flash sur les urgences lancée par Emmanuel Macron, Brigitte Bourguignon a évoqué hier une série de «premières mesures» en prévision d’un «été difficile». Le but : «trouver des solutions pour que les Français ne soient pas privés de soins», a déclaré la ministre lors d’une intervention au congrès urgences organisé à Paris. «Le gouvernement prend ses responsabilités face à la crise», a-t-elle martelé, tout en annonçant son projet de «réactiver le doublement de la rémunération des heures supplémentaires du personnel non médical, et du temps de travail additionnel des médecins, pour l’ensemble de la période estivale».
Chronique «Aux petits soins»
Mardi 7 juin, environ 200 personnes se sont rassemblées devant le ministère de la Santé pour dénoncer la pénurie de soignants et les conditions de travail dramatiques dans les hôpitaux. Depuis des années, les personnels soignants le répètent sans relâche : l’hôpital public s’effondre. Mais ces dernières semaines, la pénurie de soignants est plus visible que jamais. En France, sur 650 services d’urgence, 120 ont dû fermer leurs portes partiellement ou totalement, selon des chiffres de la CGT Santé action sociale.
«Dans plein d’hôpitaux en France on ne peut plus soigner correctement»
Pour Rémi Salomon, cette annonce de la ministre de la Santé est un «tout début» de réponse face à la crise. «Il va falloir aller beaucoup plus loin» et aussi «plus vite», a-t-il attesté, en évoquant aussi la nécessité de payer mieux les gardes et astreintes. Quant à l’annonce d’un recrutement anticipé des élèves infirmiers en attente de la remise de leur diplôme, Rémi Salomon juge que «c’est une bonne chose». Il a par ailleurs estimé que le pays disposait d’un «très bon système de santé, qui dans l’ensemble marche plutôt bien», mais au sein duquel, «dans plein d’hôpitaux en France on ne peut plus soigner correctement», faute d’un nombre suffisant de soignants.
La cause : le manque de moyens. Pour lui, «il n’y a pas assez d’argent dans l’hôpital pour bien soigner». La situation est particulièrement difficile dans les services d’urgence, dont 120 ont été forcés de limiter leur activité ou s’y préparent, selon un décompte diffusé fin mai par l’association SAMU-Urgences de France. Le professeur Salomon a lancé un appel aux citoyens «à ne pas se rendre aux urgences pour un oui ou un non» et à privilégier la médecine de ville quand c’est possible. A ce sujet, selon le président de la CME, ces «deux mondes qui se tournent le dos, médecine de ville et hospitalière, doivent se parler pour assurer la permanence des soins».