Coups de boutoir après coups de boutoir, le système Raoult s’effondre et la dérive semble abyssale. Cette fois, ce sont des témoignages de personnels de son Institut hospitalo-universitaire (IHU) qui l’accablent. D’après ces témoignages publiés par Mediapart, le professeur médiatique aurait falsifié ses propres résultats pour appuyer sa démonstration sur l’efficacité de l’hydroxychloroquine contre le Covid-19.
Edifiants, les verbatims sont des extraits d’entretiens de plusieurs membres de l’IHU, réalisés en octobre auprès des différentes instances tutélaires de l’établissement (l’université d’Aix-Marseille, l’Assistance publique – hôpitaux de Marseille (AP-HM), l’Institut de recherche pour le développement (IRD), ou l’Inserm). Ce vendredi soir, l’AP-HM annonce l’ouverture d’une enquête interne pour faire la lumière sur cette nouvelle affaire. «Les faits rapportés, s’ils étaient avérés, constitueraient des dysfonctionnements graves», justifie l’autorité de tutelle.
Des tests PCR manipulés
Et pour cause : «Il n’y a pas de véritable science derrière les publications de l’IHU depuis des années», affirme ainsi l’un des médecins interrogés. «Les résultats présentés doivent correspondre aux hypothèses faites par Didier Raoult. Dans le cas contraire, les personnes concernées peuvent être dévalorisées publiquement avec mise en doute de leurs compétences», rapporte un autre témoin.
Didier Raoult avait présenté l’hydroxychloroquine comme un remède miracle contre le Covid-19 dès mars 2020 sur la foi d’études pourtant peu convaincantes. Selon ces témoignages, ces études étaient bidonnées. «Le seuil de positivité des tests PCR a été modifié rendant ainsi négatifs un plus grand nombre de résultats pour les patients suivis à Marseille et permettant, de la sorte, de conclure à l’effet bénéfique de l’hydroxychloroquine», explique Mediapart. Cette étude présentait aussi des problèmes éthiques soulevés par Libération.
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Selon un témoin, pour permettre ce tour de passe-passe, le professeur aurait tout simplement «évincé les médecins biologistes des plannings «afin qu’ils prennent du repos» et en contrepartie a mis en place un logiciel pour automatiser la déclaration des résultats dans le logiciel de l’AP-HM, sans validation préalable par les médecins biologistes».
Onction élyséenne
Et pour cause : ils n’auraient probablement pas goûté la différence de sensibilité des tests PCR entre ceux pratiqués à Marseille (sous hydroxychloroquine) et à Nice (groupe témoin sans hydroxycholoroquine). Les deux groupes de patients ont donc été analysés avec des critères différents : pour un même résultat, on pouvait être déclaré positif à Nice et négatif à Marseille, ce qui laissait faussement croire à l’efficacité de l’hydroxychloroquine.
Ainsi, l’un des sujets qui a le plus occupé l’espace médiatique français pendant cette crise et largement alimenté la défiance vis-à-vis du gouvernement de la frange la plus sceptique de la population proviendrait de résultats manipulés. Mais pourquoi ces témoignages ne sortent-ils que maintenant ?
Ici, la responsabilité des organismes de tutelle de l’IHU et de l’Elysée est accablante. Mediapart explique que «la visite en avril 2020 du président Emmanuel Macron au professeur Didier Raoult au sein de l’institut a accentué le sentiment que le patron était intouchable». Les témoins disent aussi que la passivité de l’Université d’Aix-Marseille, de l’IRD et de l’AP-HM ne les a pas encouragés à prendre la parole face aux menaces exprimées contre toute personne qui n’allait pas dans le sens du professeur à barbichette.
Une multitude d’affaires
Ce n’est pas la première affaire qui sort sur le médiatique scientifique. Didier Raoult est accusé d’avoir pratiqué des essais non déclarés contre la tuberculose avec des complications médicales graves. La justice est saisie de cette affaire. L’Ordre des médecins de Nouvelle-Aquitaine lui reproche d’avoir fait la promotion de l’hydroxychloroquine pour traiter le Covid-19, «sans données scientifiques établies». Libération a révélé que l’IHU avait contourné le système des hospitalisations de jour pour prescrire largement de l’HCQ, à hauteur de dizaines de millions d’euros.
La fin de carrière scientifique de Didier Raoult est actée. Il a en effet pris sa retraite de professeur d’université-praticien hospitalier depuis le 31 août. Il est également censé quitter le 30 septembre 2022 son poste de directeur de l’Institut hospitalier universitaire (IHU) de Marseille. Mais ces éléments vont le poursuivre dans les mois à venir.
Mise à jour : actualisé ce vendredi 19 novembre à 20 h 40 avec l’ouverture d’une enquête interne par l’AP-HM.