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Libération
Violences contre les soignants

«Il a levé la main sur moi» : l’agression de Baptiste Beaulieu, symbole d’une recrudescence des violences envers les soignants

Le médecin et écrivain a raconté mardi 12 novembre sur son compte Instagram avoir été agressé dans sa salle d’attente par l’un de ses patients. En octobre, un rapport avait fait état d’une hausse importante des violences contre les praticiens de santé.
Baptiste Beaulieu, à Toulouse, le 26 septembre. (Ulrich Lebeuf/MYOP pour Libération)
publié le 13 novembre 2024 à 15h41
(mis à jour le 13 novembre 2024 à 15h41)

C’est l’histoire d’une violence trop ordinaire. Le médecin et écrivain Baptiste Beaulieu, qui exerce dans un cabinet toulousain, a partagé mardi 12 novembre sur son compte Instagram le récit d’une agression homophobe subie le matin même de la part d’un de ses patients. Face au refus du docteur de le laisser passer devant tout le monde «sans motif médical valable», ce dernier aurait «dégoupillé» : «Il a levé la main sur moi. Il s’est arrêté au dernier moment, ensuite il m’a traité de sale pédé et agoni d’insultes en tout genre, avant de me menacer de venir “à un moment où il n’y aurait plus de patients en salle d’attente pour s’expliquer entre hommes”.»

Auteur du récent Tous les silences ne font pas le même bruit, Baptiste Beaulieu a l’habitude de prendre la parole sur les réseaux sociaux pour évoquer les histoires de ses patients et surtout de ses patientes, les déséquilibres genrés dans l’accès aux soins, mais aussi son homosexualité et sa parentalité. Après avoir porté plainte, il a donc utilisé Instagram, où il est suivi par 414 000 followers, pour raconter l’agression, symbole selon lui d’une dégradation profonde de l’exercice de la médecine. «Ce qui me désole, a-t-il notamment écrit dans son post, c’est de penser que les décideurs politiques ne sont pas confrontés à cette violence quotidienne que leurs politiques libérales engendrent.»

«Il m’est arrivé plusieurs fois d’être agressée verbalement»

«Ce qui me désole, s’est également ému Baptiste Beaulieu, c’est d’entendre des confrères et consœurs me relater des situations similaires.» Et de fait, sous son post Instagram, les commentaires en ce sens ont aussitôt fleuri et continuent d’abonder : «Infirmière libérale depuis moins d’un an et j’ai également déposé une main courante contre un patient parce qu’il a levé la main sur moi (en plus des menaces et insultes) alors que je me rendais à son domicile comme tous les jours» ; «Kiné libérale, il m’est arrivé plusieurs fois d’être agressée verbalement à domicile, car à domicile en plus, les patients se sentent plus forts» ; «infirmière en soins intensifs, je me suis fait tabasser dans l’infirmerie par une femme qui ne voulait pas respecter les horaires de visite limités»…

Début octobre, l’Observatoire de la sécurité des médecins alertait dans un rapport sur une hausse impressionnante des violences envers les praticiens de santé en 2023 – 1 581 violences et incidents remontés contre 1 244 l’année précédente. Une hausse «inédite depuis la création de l’observatoire en 2002», déplorait alors auprès de Libération son coordinateur, le Dr Jean-Jacques Avrane. «En l’espace de deux ans, s’inquiétait-il, les violences contre les médecins ont bondi de 50 %. C’est du jamais vu.»

En moyenne, 65 agressions physiques ou verbales chaque jour

Avec 73 % de signalements, les menaces et insultes verbales sont les cas les plus documentés, tandis que les agressions physiques représentent 8 % des signalements. «On est encore sans doute loin de la réalité, estimait le docteur Luc Duquesnel, généraliste à Mayenne et président des Généralistes-CSMF, même si les signalements sont sans doute plus fréquents qu’il y a quelques années. Je suis un exemple type : sur les 70 gardes de nuit que je fais par an, j’ai trois ou quatre menaces de mort et je n’ai jamais déposé plainte.»

Une situation que Jean-Luc Dinet, le président de SOS Médecins de Sens (Yonne), roué de coups en août par un patient à qui il avait refusé une prescription, mettait alors sur le compte d’un «stress post-traumatique sociétal, lié au Covid». «Ça devient de plus en plus dur de croire en ce métier et d’y trouver du sens, a conclu Baptiste Beaulieu. A la base, j’exerce ce métier car j’aime les gens. Je les aime de moins en moins et un jour j’arrêterai car vaut mieux arrêter que de continuer en haïssant le monde entier.» D’après le ministère du Travail et de la Santé, en moyenne chaque jour, 65 professionnels de santé sont victimes d’agression physique ou verbale.