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Les dangers du cadmium dans les aliments, contre lequel les médecins tirent la sonnette d’alarme : «Il faut sensibiliser l’ensemble de la population»

Dans une lettre au Premier ministre, les unions régionales de professionnels de santé-médecins libéraux réclament la réduction du taux autorisé dans les engrais de ce métal, reconnu cancérogène, mutagène et toxique pour la reproduction.
En Haute-Garonne, en 2015. Le cadmium est un métal retrouvé naturellement dans les sols, notamment à cause des engrais utilisés. (Remy Gabalda/AFP)
publié le 4 juin 2025 à 18h37

«L’Etat doit agir.» Dans une lettre adressée au gouvernement lundi 2 juin, les unions régionales de professionnels de santé-médecins libéraux (URPS) veulent mettre les pouvoirs publics devant leurs responsabilités. Depuis des années, les études scientifiques se succèdent, pointant les dangers de l’exposition de la population à un métal appelé le cadmium, principalement via l’alimentation et les engrais. Entre atteintes rénales, effets sur la reproduction ou encore risques cancérogènes, les méfaits potentiels sont nombreux. «L’Etat ne peut plus ignorer ce problème», peut-on lire dans ce courrier, consulté par Libération.

Afin de limiter les risques, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) recommandait dès 2019 de réduire la concentration autorisée en cadmium à 20 milligrammes par kilogramme maximum dans les engrais, contre 60 milligrammes actuellement. Une proposition qui n’a jamais abouti du côté des pouvoirs publics, regrettent les médecins, qui attendent aujourd’hui que des mesures soient prises : «Plusieurs pays européens ont déjà adopté cette valeur.»

«Une explosion de la contamination des jeunes enfants existe bel et bien, en rapport avec leur alimentation – en particulier les céréales, pains et dérivés et les pommes de terre et apparentés, qui sont des aliments de la vie courante», alertent encore les professionnels de santé. Origines du cadmium, risques pour la santé, aliments concernés… Libération fait le point.

Qu’est-ce que le cadmium et qui y est exposé ?

Le cadmium est un métal naturellement retrouvé dans les sols. Sa présence peut être accentuée par des procédés de métallurgie, l’incinération des déchets ou encore l’utilisation d’engrais.

L’ensemble de la population y est exposée, principalement par l’alimentation et le tabac. Puisqu’il est présent dans les sols, ce métal pénètre dans les végétaux par leurs racines et finit donc sur certaines denrées. Les aliments qui en contiennent le plus sont les abats, comme le foie et les rognons, les algues, crustacés et mollusques et, à un plus faible degré, le chocolat.

Dans l’Hexagone, la majorité de l’apport en cadmium est provoquée par l’ingestion de céréales tels que le riz et le blé, de pains, de biscuits et de pommes de terre, produits très consommés par les Français. Les fumeurs et leur entourage y sont également particulièrement exposés, via l’inhalation de la fumée des cigarettes.

Selon des données de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) publiées en 2011, 0,6 % des adultes ont des expositions alimentaires dépassant la dose journalière de cadmium tolérable pour l’organisme (0,35 microgramme de cadmium par kilogramme de poids corporel). Les enfants de 3 à 17 ans sont quant à eux 14 % à être surexposés, un chiffre qui monte à 36 % chez les moins de 3 ans.

Quels sont les risques pour la santé ?

La liste des dangers attribués au cadmium est longue. Ce métal est reconnu cancérogène, mutagène et toxique pour la reproduction. Une exposition prolongée peut entraîner un risque d’ostéoporose – une maladie qui fragilise les os –, mais aussi des fractures. Il peut également causer des atteintes rénales et avoir des effets sur la reproduction et le développement du fœtus chez les femmes enceintes.

D’autres effets plus graves sont également pointés par les scientifiques. A ce jour, le seul cancer pour lequel il existe des preuves suffisantes d’un risque plus élevé est «le cancer broncho-pulmonaire, après exposition professionnelle à des poussières ou des fumées de cadmium», précise la Haute Autorité de santé (HAS) dans une recommandation datée d’octobre 2024. Mais, selon plusieurs études, le cadmium est également suspecté d’être cancérogène pour le rein, le foie, la prostate ou encore le pancréas.

Comment diagnostiquer une surexposition au cadmium ?

Une surexposition au cadmium peut être diagnostiquée grâce à une analyse d’urine, prescrite par un médecin. Cet examen n’est toutefois pas remboursé par l’Assurance maladie à ce jour, et représente un coût «d’une quarantaine d’euros environ en moyenne», estime Pierre Souvet, cardiologue et président de l’Association santé environnement France (Asef). Un test qu’il convient de réaliser si «un risque est identifié», précise le médecin. «Ce que l’on fait en posant des questions au patient sur ses habitudes alimentaires ou sa consommation de tabac.»

Si une présence trop importante de cadmium est identifiée dans les urines, un suivi spécifique est mis en place, comme l’explique Pierre Souvet : «Il faut redoubler de vigilance sur certains cancers, sur les risques cardiovasculaires qui augmentent et les maladies osseuses. On entre dans une logique de dépistage des risques associés, comme on le fait pour une personne qui a du cholestérol.»

Quels comportements adopter pour limiter les risques ?

Avant toute chose, les professionnels de santé attendent du gouvernement qu’il abaisse la limite de concentration autorisée en cadmium dans les engrais. Si cette mesure passait, la stabilisation de la contamination prendrait ensuite plusieurs dizaines d’années, estime l’Anses. Face à ce délai, les unions régionales de professionnels de santé-médecins libéraux appellent au développement de formations pour l’ensemble des médecins libéraux sur le sujet, mais aussi à la création de fiches d’information pour informer les patients. «Il faut sensibiliser l’ensemble de la population», abonde Pierre Souvet.

Autres pistes mentionnées : l’adaptation des menus dans les cantines, la facilitation de l’accès au dosage du cadmium, mais aussi le soutien à l’agriculture biologique, dont les niveaux de contamination sont 48 % inférieurs à l’agriculture traditionnelle d’après l’étude Baranski parue en 2014. A leur échelle, les consommateurs peuvent adapter leur comportement alimentaire. Les URPS recommandent ainsi de réduire la consommation de certains aliments riches en cadmium, sans pour autant totalement les supprimer.