Après la trentaine d’intoxications sévères à la bactérie E. coli depuis mi-juin dans l’agglomération de Saint-Quentin (Aisne), qui a notamment causé la mort d’une adolescente, deux enquêtes - sanitaire et judiciaire - ont été lancées. Mais une famille a aussi décidé d’attaquer l’Etat français en justice, pour manquements, après la contamination de ses deux enfants, annonce leur avocat ce jeudi 10 juillet sur BFMTV. Les deux jeunes victimes ont dû être hospitalisées pendant un peu plus d’une semaine.
«Une bactérie comme ça, ça n’arrive jamais par hasard, il y a toujours des causes multifactorielles. L’État ne s’explique pas sur les vérifications qu’il aurait dû faire», pointe leur avocat, maître Emmanuel Ludot. Il dénonce le caractère prévisible de ces intoxications. «Si vous additionnez l’absence de capacités [des personnes travaillant dans les boucheries, ndlr], de vérifications, un département pauvre et le manque de moyens, cela donne 30 contaminations à la bactérie E. coli et un mort.». L’avocat de la famille plaignante pointe en particulier l’insuffisance de la «traçabilité» de la viande et le manque de contrôles au sein des établissements alimentaires : «Il n’y a pas d’inspections inopinées, on ne vérifie pas l’état des systèmes de réfrigération ou les conditions dans lesquelles cette viande est conservée.»
Selon lui, l’Etat doit «rendre des comptes» à ses clients. Des indemnisations ont été demandées, de même que la désignation d’un médecin expert pour examiner les deux enfants.
Reportage
Pour rappel, la forme dangereuse de cette famille de bactéries, qui peut provoquer des complications graves dans 10 % des cas, n’est pas censée se retrouver dans des aliments. «Les ruminants portent ces bactéries dans leur tube digestif : lorsque l’éviscération à l’abattoir ou la traite ne sont pas réalisées dans de bonnes conditions et que des matières fécales se retrouvent sur la carcasse de l’animal ou dans son lait, la bactérie peut s’y retrouver. S’il n’y a pas de pasteurisation ou de cuisson suffisante, elle survit», a expliqué auprès de Libération François-Xavier Weill, directeur du Centre national de référence des E. coli, Shigella et Salmonella de l’Institut Pasteur.
Des contaminations «secondaires» peuvent ensuite se produire, avec une transmission par les mains - d’où l’importance de se les laver régulièrement -, ce qui a été constaté pour quelques cas.
Six établissements fermés, un rouvert
L’enquête a déjà permis de confirmer, d’après des premières analyses, que la viande de certaines boucheries à Saint-Quentin est en cause dans les contaminations. Ces résultats «apportent la preuve irréfutable d’une correspondance entre les bactéries retrouvées au sein de plusieurs des boucheries ou de la viande qu’elles ont commercialisée et les bactéries retrouvées sur plusieurs malades», a annoncé la préfecture de l’Aisne le 2 juillet dernier. Six établissements avaient été fermés préventivement très rapidement, un seul a été rouvert après avoir été mise hors de cause.
Du côté des victimes recensées, leur état de santé s’améliorait selon le point du 2 juillet de la préfecture. Les investigations sanitaires se poursuivent pour comprendre toute l’histoire de cette vague, inhabituelle, de contaminations. Le parquet de Paris et notamment son pôle de santé publique a aussi été saisi, pour homicide involontaire, blessures involontaires, mise en danger et tromperie aggravée par la mise en danger de la santé humaine.