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Libération
Enquête sanitaire

Intoxications E. coli à Saint-Quentin : un «lien biologique formel» établi entre plusieurs boucheries de la ville et les contaminations

Les premiers résultats des analyses «apportent la preuve irréfutable» d’une correspondance entre les bactéries retrouvées dans les lieux d’approvisionnement en viande et celles identifiées sur plusieurs malades, annonce ce 2 juillet la préfecture de l’Aisne.
A Saint-Quentin, le 26 juin 2025, foyer de contaminations par une bactérie E.coli. Cinq des six boucheries fermées préventivement le sont toujours. (Stéphane Dubromel/Hans Lucas pour Liberation)
publié le 2 juillet 2025 à 19h12

De la viande contaminée est bel et bien responsable de la vague d’intoxications à une bactérie E. coli que connaît l’agglomération de Saint-Quentin. Les premiers résultats «apportent la preuve irréfutable d’une correspondance entre les bactéries retrouvées au sein de plusieurs des boucheries ou de la viande qu’elles ont commercialisée et les bactéries retrouvées sur plusieurs malades», annonce la préfecture de l’Aisne ce mercredi 2 juillet. Un «lien biologique formel» a été établi entre «le lieu d’approvisionnement et la contamination des malades».

Depuis mi-juin, 30 cas sévères ont été remontés aux autorités, aucun sur les dernières vingt-quatre heures. Excepté une personne de 73 ans, tous étaient des enfants. Dix ont développé un syndrome hémolytique et urémique, complication grave qui survient dans 10 % des cas et nécessite une dialyse. Une jeune fille de 12 ans est morte. «L’état de santé de toutes les personnes contaminées s’améliore», a fait savoir la préfecture dans son point du 1er juillet. Quatre personnes sont encore hospitalisées, mais plus aucune n’est sous dialyse.

Cinq boucheries et rayons de supermarchés toujours fermés

Les enquêtes, l’une épidémiologique, l’autre judiciaire, se poursuivent donc pour retracer l’histoire de cette contamination. La première avait déjà confirmé, le 27 juin dernier, la piste de la viande contaminée – l’une des causes les plus courantes de ces intoxications à E. coli. «Des traces de contamination par la bactérie E. coli ont été détectées dans les viandes ou sur les surfaces de certaines des boucheries qui ont fait l’objet d’investigation», avait alors annoncé la préfecture. Cinq des six boucheries et rayons de supermarchés fermés en prévention le sont restés. Le rayon de l’Intermarché Gauchy a été rouvert, aucune bactérie suspecte n’y ayant été retrouvée. «La mise en évidence de points communs de consommation entre les malades ainsi que l’absence de nouveaux cas avec symptômes récents depuis plusieurs jours ont conforté les sources de contamination ciblées», ajoute ce mercredi la préfecture.

Pour parvenir à ces résultats, le Centre national de référence sur ces bactéries de l’Institut Pasteur, chargé des échantillons humains, et le laboratoire national de référence, qui s’est concentré sur les autres prélèvements, travaillent en parallèle. Leurs analyses consistent essentiellement à séquencer – c’est-à-dire extraire l’ADN pour déterminer une sorte d’empreinte digitale – les souches bactériennes qui leur sont envoyées. «Si, en comparant nos résultats de séquençage, nous trouvons la même chose, on pourra affirmer avec certitude que les cas humains sont dus à tel ou tel aliment», a expliqué auprès de Libé François-Xavier Weill, directeur du CNR de l’Institut Pasteur. Les analyses vont se poursuivre avec les échantillons des nouveaux cas détectés au fil des jours.

En parallèle, «des dizaines d’entretiens ont été réalisées avec l’entourage de tous les malades pour retracer l’ensemble des sources d’exposition possibles à la bactérie E.Coli», rappelle la préfecture. Ces enquêtes «ont permis d’identifier rapidement la consommation de viande comme point commun entre les différents malades, et de recenser les lieux d’approvisionnement des aliments consommés.»

Côté judiciaire, le parquet de Saint-Quentin, qui avait ouvert une enquête préliminaire des chefs d’homicide involontaire, blessures involontaires, mise en danger et tromperie aggravée par la mise en danger de la santé humaine, s’est dessaisi le 25 juin du dossier. Il a été repris par le pôle de santé publique du parquet de Paris, du fait du nombre des victimes et de la complexité des investigations.

Vigilance et hygiène

Même si les questions se lèvent peu à peu, les autorités appellent à rester vigilants. C’est-à-dire jeter toute viande qui aurait été achetée dans une des boucheries fermées et nettoyer son réfrigérateur ; bien se laver les mains avant de préparer les repas et après être passé aux toilettes. Parmi les derniers cas remontés, deux ont été contaminés de manière secondaire, par les mains : «C’est-à-dire qu’une personne contaminée a dû […] sortir des toilettes sans bien se laver les mains, et tenir les mains d’une autre personne», a expliqué Laure Beccuau, la procureure de Paris, sur RTL.

Et puisqu’il faut compter en moyenne 10 à 15 jours avant que les symptômes n’apparaissent, il est possible que de nouveaux cas continuent d’être égrenés chaque jour encore quelque temps.