Une mesure pour améliorer l’accès à l’avortement sur le territoire. Un décret paru mercredi 24 avril simplifie les procédures pour permettre aux sages-femmes formées de réaliser des IVG instrumentales comme les médecins. «A partir du moment où elles le font dans un établissement qui a l’autorisation de ce type d’acte, il n’y a pas besoin d’avoir, à côté d’elles, un médecin qui, au-dessus de leur épaule, vérifierait ce qu’elles feraient», a reconnu ce mercredi sur France inter Frédéric Valletoux, ministre délégué à la Santé.
La possibilité pour les sages-femmes hospitalières de pratiquer l’IVG instrumentale est prévue par la loi Gaillot mars 2022. Mais la première version de son décret d’application, parue en décembre après une expérimentation de plus d’un an, avait provoqué de vives contestations au sein de la profession et des associations féministes : il prévoyait des conditions d’exercice très «restrictives», qui auraient de fait entravé son application et se serait révélé contre-productif. En particulier la présence, lors de l’intervention, de trois praticiens : un médecin spécialiste en orthogénie, d’un gynécologue-obstétricien, d’un anesthésiste et d’un plateau d’embolisation (pour gérer des complications rarissimes).
20 % des IVG totales
Face à ce qui a été perçu comme un déni des compétences de ces professionnelles médicales autonomes, quatre associations du collectif «Avortement en Europe, les femmes décident», ainsi que la Fédération Sud Santé sociaux avaient déposé un recours devant le Conseil d’Etat. Les syndicats avaient déploré des «garde-fous non prévus pour les autres professionnels médicaux», qui auraient fait des femmes «les premières victimes de ces entraves». Et pour cause : ces conditions drastiques allaient même au-delà de celles exigées pour les accouchements, pourtant plus à risque selon les professionnelles. Seules les grandes maternités, en particulier celles des CHU, auraient pu y répondre - difficile, donc, de répondre à la problématique de l’accès à l’avortement dans les déserts médicaux.
Le gouvernement rétropédale donc, comme annoncé début mars par la ministre Catherine Vautrin. «Les modalités de prise en charge ainsi que la procédure en cas de complications seront désormais identiques quel que soit le professionnel réalisant l’acte d’IVG instrumentale, reconnaissant par là même pleinement le rôle et l’expertise des sages-femmes», précise le nouveau décret. Il «définit de nouvelles conditions de formation des professionnels et des conditions d’organisation plus simples», précise le ministère délégué à la Santé dans un communiqué.
Chargée de plaidoyer au Planning familial, Albane Gaillot, ex-députée ayant porté ce texte, salue auprès de Libération «une belle victoire collective» et reconnaît que «la constitutionnalisation de l’IVG a créé une brèche pour les associations. Le paradoxe entre ce décret, prévoyant des contraintes trop fortes ne permettant pas de respecter l’esprit de la loi, et cette volonté d’inscrire l’IVG dans la Constitution était trop flagrant». Pointant également cette contradiction, le collectif Avortement en Europe appuie dans un communiqué : «Le gouvernement a été obligé de reculer.» Albane Gaillot «regrette toutefois que le décret ne prévoie pas une revalorisation de la rémunération des sages-femmes».
Pour rappel, les sages-femmes sont autorisées depuis 2016 à pratiquer des avortements médicamenteux (jusqu’à la fin de la 7e semaine de grossesse, soit au maximum 9 semaines après le début des dernières règles). Les interruptions de grossesses instrumentales représentent 20 % des IVG pratiquées.
Mise à jour à 15 h 45, ajout de davantage de contexte et de la réaction d’Albane Gaillot.