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Témoignages

«J’ai le sentiment d’avoir été un objet d’étude» : des hommes handicapés dénoncent leurs séjours dans un centre de rééducation breton

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Atteints de handicaps moteurs, des trentenaires racontent leur enfance et leur adolescence au centre de Kerpape, dans le Morbihan, marquées par une prise en charge qu’ils décrivent comme «violente».
Les hommes qui témoignent ont tous fréquenté le centre de Ploemeur dans les années 2000. (Blanchot Philippe /Hemis. AFP)
par Théo Eberhardt
publié le 21 juin 2025 à 9h50

Yann en parle comme d’«un autre monde dans le monde, où l’on est un peu oublié, où les règles sont différentes». Aujourd’hui encore, le Breton de 35 ans a «les flashs et le regret d’avoir vécu tout ça». De ses 4 à ses 15 ans, en raison de son infirmité motrice cérébrale, il fréquente le centre de rééducation de Kerpape, établissement privé à but non lucratif situé à Ploemeur, dans le Morbihan, où il bénéficie à la fois de soins et d’un suivi scolaire. Deux décennies plus tard, il reste profondément marqué par ce qu’il y a vécu.

Lors d’une séance de kiné, Yann s’écroule dans le couloir, en pleurs. Il a 13 ou 14 ans. En raison de malformations liées à son handicap, l’adolescent ne peut pas marcher trop longtemps. «Je n’arrêtais pas de dire à ma kiné que je voulais arrêter», affirme-t-il. «Allez, continue, continue !» répondait-elle. Des mois durant, il a obéi, mais là, il refuse de se relever. Il retire alors chaussettes et chaussures. La peau de ses pieds est à vif.

A 12 ans, il se tient devant un kiné et une vingtaine de stagiaires, en slip. Il ignore alors les intentions du professionnel. Pour expliquer à son auditoire l’infirmité motrice cérébrale dont est atteint Yann, le kiné souhaite déclencher une réaction musculaire symptomatique de son handicap, en le faisant sursauter. Lorsque Yann a la tête tournée, le kiné s’approche de son oreille et crie «PAAAAAH !» Le jeune garçon bondit et se tend. La démonstration est réussie. Le ressenti de Y