A l’approche des Jeux olympiques et des 15 millions de visiteurs supplémentaires qui devraient affluer, l’ensemble des acteurs de la santé se met en ordre de bataille pour se préparer à faire face à n’importe quel impact sanitaire. L’Etablissement français du sang (EFS) ne fait pas exception. «Nous devons, en tant que producteur des produits sanguins qui sont absolument essentiels, être en mesure de répondre à tout ce qui peut se passer», souligne son président Frédéric Pacoud, lors de la traditionnelle conférence de presse annuelle de l’établissement. Si le service public du sang se prépare chaque année aux vacances estivales, celles-ci vont être particulières : les JO pourront autant engendrer un afflux supérieur de demandes que compliquer les dons sur les territoires les plus sollicités.
«En 2023, la situation a été beaucoup plus stable que les années précédentes : nous n’avons pas eu recours à des bulletins d’urgence […]. De début d’année 2024 est dans la même tendance», reconnaît Hervé Meinrad, directeur de la collecte et de la production de produits sanguins. Et c’est pour éviter que les Jeux ne viennent percuter cette maîtrise que l’EFS les anticipe depuis des mois. D’abord parce qu’ils risquent très certainement de doper les besoins en produits sanguins : tout grand rassemblement engendre mathématiquement des risques – accidents ou transmission de maladies – à même d’envoyer des afflux massifs de personnes dans les hôpitaux.
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Alors, pour faire face aux besoins de l’été, l’EFS se donne pour objectif de remplir ses réserves d’un stock supérieur à 105 000 poches de sang d’ici au 14 juillet. «Ces dispositifs sont mis en place habituellement lors de grands événements, la Coupe du monde de rugby par exemple, ajoute Frédéric Pacoud. Nous nous préparons à toutes les situations envisageables quand on a des lieux qui rassemblent beaucoup de personnes pour assister à des matchs, des concerts. Cette préparation concerne aussi le risque de cyberattaques, qui va probablement s’accroître dans les semaines à venir.»
Les JO ne risquent pas seulement d’accroître les demandes de poches de sang : les représentants de l’EFS craignent surtout des difficultés pour les remplir. En particulier dans les territoires les plus sollicités par l’événement. «Ce qui nous préoccupe, c’est la capacité à collecter du sang sur l’ensemble du territoire, et plus particulièrement les zones qui reçoivent les épreuves - je pense tout particulièrement à l’Ile-de-France», souligne le directeur de la collecte. Car les routes congestionnées, le casse-tête annoncé des transports en commun voire le départ temporaire des Franciliens engendreront certainement des centres de dons moins fréquentés. «Les équipes d’Ile-de-France ont travaillé pour planifier leur collecte sur des zones suffisamment éloignées des grands événements, pour permettre aux donneurs de se déplacer.» Les capacités de collecte des autres régions ont aussi été renforcées, au cas où les centres franciliens ne puissent pas seuls assurer les besoins de l’ensemble des patients. «Nous avons augmenté notre capacité à aider les régions qui rencontreraient difficultés, de 1 000 poches par semaine pendant l’été», poursuit Hervé Meinrad.
Sécurité
Au-delà de remplir ces poches, l’EFS doit veiller à la qualité du sang et la sécurité transfusionnelle. Car les grands brassages de population favorisent aussi la circulation de certaines maladies, et parmi elles les arboviroses – ces virus transmis par le moustique tigre par le sang qu’ils ponctionnent sur leurs proies. Ainsi la dengue, et dans une moindre mesure le chikungunya et le Zika, sont un autre risque identifié par l’EFS. «Contrairement aux années précédentes, où les donneurs potentiellement à risque étaient ajournés pendant vingt-huit jours, nous allons anticiper en mettant en évidence la présence du virus chez les donneurs […] par un dépistage du génome dans [leur] sang», précise Syria Laperche, référente risques infectieux transfusionnels de l’EFS.
Ces analyses seront effectuées dans les quatre laboratoires spécialisés de France, sur une période qui «entourera celle des JO» et dans les régions «les plus à risque de développer des foyers d’arboviroses». Autrement dit celles affectées par les épreuves olympiques, et celles où la circulation des virus a été importante l’été dernier. D’autant qu’une flambée de dengue est déjà observée dans l’Hexagone : au 4 juin, 417 cas importés avaient été identifiés par Santé publique France depuis le 1er mai, plus de 2 000 depuis janvier. Le nombre dépasse la totalité des cas importés détectés sur l’ensemble 2023, année elle-même record.
Outre les Jeux, l’EFS se concentre aussi sur des objectifs à plus long terme. Maintenir et renforcer l’engagement des jeunes, déjà très mobilisés, pour renouveler le nombre de donneurs – 150 000 partent chaque année, pour raisons de santé ou parce qu’ils ont dépassé la limite des 70 ans. Continuer de promouvoir les dons de plasma. Aussi, renforcer la recherche, en particulier dans le développement de médicaments innovants (utilisés dans l’immunothérapie par exemple). Enjeu d’autant plus important que, pour ces nouvelles thérapies, la France dépend encore à 95 % de l’étranger.