La ville de Poitiers, dirigée par les Ecologistes, a annoncé la mise en place d’un congé menstruel dès le 1er janvier 2025 pour ses 2 000 agentes. Un dispositif détaillé ce lundi 16 décembre, à l’occasion de la présentation de son rapport annuel sur l’égalité professionnelle des agentes de la collectivité de Poitiers. A l’aide d’un certificat médical, les employées de la collectivité pourront prendre un à deux jours de congé menstruel chaque mois, en cas de règles douloureuses voire d’endométriose.
«Chaque agente pourra en bénéficier sans impact sur sa rémunération car il n’y aura pas de jour de carence, sans impact sur sa carrière, et sans stigmatisation possible puisque cette autorisation spéciale d’absence est noyée parmi les autres, seul le médecin en connaissant la raison», a expliqué Stéphane Allouch, adjoint au personnel et au dialogue social à la ville de Poitiers, interrogé par France Bleu Poitou.
Afin de lever le tabou autour des règles, la ville a également organisé des ateliers avec des agentes de la collectivité. «La première question qui s’est posée pour elles, c’est de savoir qui allait faire leur travail si elles sont absentes, a rapporté la conseillère municipale à l’égalité des droits Alexandra Duval. Il faut déconstruire cela. Les femmes ont droit d’avoir des conditions de travail adaptées.»
Interview
Des municipalités volontaires, mais freinées
Poitiers suit l’exemple d’autres municipalités. La première d’entre elles, Saint-Ouen-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), a été la première ville française à mettre en place le congé menstruel, proposant jusqu’à deux journées par mois et sans carence à ses administrées. L’expérimentation avait été lancée le lundi 27 mars 2023. Depuis, d’autres collectivités ont pris le train en marche. C’est le cas de l’Eurométropole de Strasbourg, qui permet, depuis le 1er septembre 2024, à ses 3 500 agentes de bénéficier d’un «congé de santé gynécologique», soit treize jours d’absence exceptionnelle par an. Il y a deux mois, le 17 octobre, ce fut au tour de la commune de Barentin, en Seine-Maritime, de proposer à ses employées ce congé particulier. On peut également nommer Lyon, Nantes, Châlette-sur-Loing dans le Loiret, Orvault en Loire-Atlantique ou encore Abbeville dans les Hauts-de-France.
Mais ce congé menstruel ne dépend pas du simple bon vouloir des mairies. Le 20 novembre dernier, la ville de Plaisance-du-Touch en Haute-Garonne, son centre communal d’action sociale ainsi que la communauté de communes du Grand Ouest Toulousain se sont heurtés à une réalité juridique : l’absence d’un cadre législatif, alors que le préfet local avait saisi le tribunal administratif pour demander l’annulation du dispositif. «Le tribunal estime que ces collectivités territoriales n’ont pas le pouvoir de prendre ce genre de décisions en l’absence de dispositions législatives ou réglementaires», avait rapporté France Bleu Occitanie.
Un cadre législatif qui peine à voir le jour
Le 27 avril 2023, le dossier avait été brièvement abordé par la Première ministre de l’époque Elisabeth Borne, dans un contexte où l’Espagne venait de voter une loi universelle de congé menstruel. Interrogée sur la généralisation du dispositif en France, la locataire de Matignon avait expliqué que le gouvernement était «en train de regarder le dispositif» afin d’«accompagner» le congé menstruel, sans apporter de réponses immédiates.
Par la suite, le 15 juin 2023, le député écologiste Sébastien Peytavie avait déposé une proposition de loi visant à reconnaître et protéger la santé menstruelle et gynécologique dans le monde du travail. Cette loi proposait non pas un congé menstruel, mais un arrêt de travail pour douleurs incapacitantes, entièrement pris en charge par la Sécurité sociale et sans délai de carence. D’une durée maximale de treize jours, cet arrêt aurait été posé consécutivement ou séparément pendant un an, et son motif n’aurait pas été connu par l’employeur. Lors de débats menés au Sénat le 15 février 2024, le ministre de la Santé de l’époque Frédéric Valletoux disait craindre de possibles discriminations à l’embauche. Les discussions s’étaient alors conclues par le rejet de la proposition de loi par les sénateurs.
Dans leur proposition de loi, les auteurs s’étaient appuyés sur un sondage de l’Ifop datant de 2021 qui révélait qu’une personne menstruée sur deux souffrait de règles douloureuses, liées ou non à une pathologie sous‑jacente. «Des souffrances liées aux menstruations peuvent ainsi être aussi douloureuses qu’une crise cardiaque», avaient rappelé les députés. Un mois plus tard, le 27 mars, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale avait elle aussi retoqué la proposition de loi.