«Enceinte, les médicaments, c’est pas n’importe comment !» Or un sondage de l’institut Viavoice pour le compte de l’Agence de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) révèle que 36% des femmes enceintes de leur premier enfant ont pris un médicament de leur propre initiative. Ce chiffre grimpe à 48% chez les femmes dont ce n’est pas le premier enfant. C’est pourquoi l’ANSM lance ce mercredi une campagne pour alerter sur les dangers de certains médicaments durant la grossesse.
Pour l’établissement de santé public, il s’agit avec cette campagne de «déclencher dans la société un réflexe équivalent à celui de l’alcool et du tabac pendant la grossesse». En effet, si près de 7 femmes sur 10 se disent tout à fait informées des risques liés à la consommation d’alcool ou de tabac pendant la grossesse, elles ne sont que 3 sur 10 à se dire bien informées sur la prise de médicaments.
Attention aux huiles essentielles
Pourtant, l’ANSM explique que «la grossesse est une période particulière pendant laquelle la prise de médicaments doit être en général évitée» car même les plus courants, comme certains antidouleurs ou antinauséeux, peuvent «avoir des répercussions immédiates ou futures sur l’enfant à naître». Le risque de malformations des organes ou des membres est maximal au premier trimestre de grossesse, notamment avec les médicaments à base de thalidomide (sédatif et un antinauséeux), d’isotrétinoïne (traitement de l’acné sévère) et de valproate (traitement de l’épilepsie et des troubles bipolaires).
D’autres médicaments courants, comme l’ibuprofène (anti-inflammatoires et antidouleurs) ou des traitements de l’hypertension, pris plus tard au cours de la grossesse, peuvent freiner la croissance du fœtus ou le bon développement des reins. Certains traitements peuvent aussi être en cause dans l’apparition de troubles du développement tels que l’autisme ou l’hyperactivité. Le gendarme du médicament avertit également que les risques pour la grossesse concernent aussi des produits souvent perçus à tort comme inoffensifs, comme les médicaments à base de plantes et les huiles essentielles.
«Ce risque n’est pas de 100%, fort heureusement : ce n’est pas parce que je vais prendre un médicament qu’il aura un effet» sur l’enfant à naître. Mais une seule prise «peut parfois suffire à générer un effet, y compris des interruptions involontaires de grossesse», précise Céline Mounier, directrice de la surveillance à l’ANSM.
«Un diabète mal équilibré peut avoir des conséquences»
Si les personnes enceintes doivent faire attention à l’automédication, l’ANSM les met aussi en garde contre l’arrêt de traitement sans avis médical. Une femme sur six qui prenait un médicament sur ordonnance l’a arrêté sans avis médical, principalement parce qu’elle ne voulait pas prendre de risques pour son enfant, alors que tout arrêt ou modification de traitement doit aussi être décidé sur avis médical, notamment pour les maladies chroniques. «Un diabète mal équilibré peut avoir des conséquences pour la femme et l’enfant à naître», avertit Céline Mounier.
En plus des femmes enceintes, l’agence souhaite «inciter au dialogue» avec les soignants dès le projet de grossesse, car certains médicaments produisent des effets pendant plusieurs mois et d’autres sont dangereux dès les premières semaines de grossesse, à un moment où les femmes ignorent encore qu’elles sont enceintes.
En France, l’information sur les risques liés aux médicaments pendant la grossesse a été renforcée dans le sillage du scandale de la Dépakine (valproate), un médicament contre l’épilepsie et les troubles bipolaires dont les dangers pour le fœtus, connus de longue date, ont tardé à être signalés dans la notice. En juillet 2020, l’Etat avait été condamné à indemniser des familles d’enfants lourdement handicapés.
L’enquête Viavoice a été réalisée en ligne auprès de femmes de 18 à 44 ans en deux vagues : en novembre 2019 auprès d’un échantillon de 1 586 femmes, puis du 29 octobre au 9 novembre auprès de 2 000 femmes.