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Libération
Rétro 2021

Le Covid-19 en France en 2021 : chacun cherche ses doses

La pandémie de Covid-19 en Francedossier
Préparation d'un vaccin Pfizer. (Nam Y. Huh/AP)
publié le 27 décembre 2021 à 10h15

Premières injections en janvier, ruée avant l’été, rappel en décembre : la France se sera fait piquer toute l’année. Des débuts poussifs jusqu’à la vaccination des enfants, revue en dates d’une année dans la seringue.

Ça patine au démarrage

5 janvier. Dix mille personnes âgées vaccinées, en cette première semaine de l’année, quand le Royaume-Uni, l’Italie, l’Espagne ou l’Allemagne ont tous dépassé les 100 000 : le coup d’envoi de la vaccination en France n’est pas très glorieux. Pourtant, dix jours plus tôt, le 27 décembre, devant les caméras, Mauricette, 78 ans, avait été parfaite. Pensionnaire de l’unité de soins de longue durée de l’hôpital René-Muret à Sevran, en Seine-Saint-Denis, elle a reçu, «très émue», la toute première injection française de vaccin contre le Covid-19. Du Pfizer, précisément. Dans un tweet, le président Macron salue le lancement officiel de la campagne tricolore : «Soyons fiers de notre système de santé.» A cet instant-là, l’objectif affiché est de vacciner uniquement les résidents d’Ehpad, les personnes âgées prises en charge par les établissements de santé, et les soignants fragiles qui gravitent autour d’eux. Priorité absolue. Sauf que rien n’est vraiment prêt pour que la campagne carbure. Le calendrier des livraisons est flou, des établissements n’ont encore reçu aucun stock et le recueil du consentement des candidats aux vaccins, non anticipé et laborieux, paralyse le tout.

Le retour des vaccinodromes

22 mars. Longtemps dubitatif sur leur utilité, le ministre de la Santé, Olivier Véran, annonce le déploiement de plus d’une centaine de vaccinodromes sur le territoire. En 2009, lors de l’épidémie de H1N1, ces mégacentres avaient été totalement désertés. Miser de nouveau sur cette formule est un pari risqué, mais l’exécutif veut à tout prix booster la campagne vaccinale. Week-ends et jours fériés compris. Car ce 22 mars, 6,6 millions de personnes ont reçu leur première injection de vaccin contre le Covid-19, et le gouvernement s’est promis d’atteindre la barre symbolique des 10 millions «à la mi-avril». Manière de répondre aux critiques sur les flottements et inerties du début d’année. Le lendemain, le président de la République indiquera d’ailleurs l’ouverture de la vaccination aux 70 ans et plus, avec plusieurs semaines d’avance. Une accélération du calendrier déjà opérée pour de nombreuses autres sous-catégories afin de donner l’apparence d’un flux toujours tendu. Au détriment des Français les plus précaires et isolés, largués par cette politique à marche forcée et créatrice d’inégalités.

Astra Zeneca, le mal-aimé

9 avril. Jour de KO pour Astra Zeneca. Après avoir restreint son utilisation aux plus de 55 ans un mois plus tôt, la Haute autorité de santé (HAS) entérine l’idée d’une nécessaire seconde injection par l’un des deux vaccins à ARN messager pour les quelque 500 000 personnes, de moins de 55 ans, primo-injectées avec le produit suédo-britannique. Deux décisions prises après la survenue de signalements de cas de thromboses graves, mais rarissimes, chez des personnes vaccinées à l’«AZ». Cette déconvenue, additionnée aux retards de livraison (qui feront l’objet d’un différend judiciaire avec l’Union européenne), signera le désamour de la population pour ce vaccin et la chute libre de son taux d’utilisation sur le territoire. Si bien qu’à partir du mois de juin, toutes les doses reçues par la France seront systématiquement redirigées vers le dispositif Covax, partenariat public-privé sous l’égide de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) visant à garantir une distribution plus équitable des vaccins à travers le monde.

Un pass et une ruée

12 juillet. Lors d’une allocution télévisée, Emmanuel Macron annonce l’extension du pass sanitaire aux bars, restaurants, avions, trains et hôpitaux dès le mois d’août, l’obligation vaccinale pour les soignants à la mi-septembre, ainsi que la fin de la gratuité des tests PCR à partir de l’automne. Dans le dessein à peine voilé de forcer les réticents à rentrer dans le rang, alors que seulement la moitié de la population française (54 %) a amorcé son schéma vaccinal. Façon pour lui de relancer une campagne à bout de souffle qui se heurte au «plafond vaccinal», alors que le nouveau variant delta et la quatrième vague grignotent du terrain. «Vacciner les personnes non encore vaccinées reste l’élément clé», insistaient les membres du Conseil scientifique quelques jours plus tôt. Le discours présidentiel fait mouche et provoque la ruée. En l’espace de trois jours, plus de 2 millions de Français prendront rendez-vous sur la plateforme Doctolib.

Antilles débordées et fake news antivax

28 août. La Martinique atteint son plus haut pic d’hospitalisations depuis le début de la crise, avec 799 personnes prises en charge dans les murs de son petit CHU. La quatrième vague fait des ravages sur l’île, comme en Guadeloupe, qui atteindra de son côté un point culminant le 3 septembre, avec 600 malades hospitalisés. Au cœur de cette crise sans précédent, le taux de vaccination, très bas sur les deux territoires. En cette fin d’été, seuls 27 % des habitants de ces départements ont reçu au moins une dose de vaccin, contre 72 % au niveau national. Le fossé est géant chez les plus âgés, puisque les 75 ans et plus, éligibles au vaccin depuis le début de l’année, sont moins de 38 % à avoir entamé leur schéma vaccinal, contre 90 % à l’échelle du pays. Illustration d’une défiance vaccinale qui existe aussi en métropole, nourrie par des fake news virulentes mais aussi par le traumatisme sanitaire de la chlordécone et de la cassure abyssale avec les autorités qui en a découlé.

50 millions de vaccinés

29 octobre. La barre des 50 millions de Français avec «schéma vaccinal complet» est franchie. Soit 74,5 % de la population : l’une des meilleures couvertures vaccinales d’Europe. Pourtant, l’horizon de l’immunité collective, présentée durant des mois comme la lumière au bout du tunnel, ne cesse de s’éloigner. Car toutes les données scientifiques qui s’accumulent depuis l’été émettent l’idée que le vaccin ne protège que de manière partielle contre les infections. Rendant ainsi l’objectif d’un coup d’arrêt épidémique grâce à cette immunité quasi inatteignable. «Il y a des données qui suggèrent qu’avant l’arrivée du variant delta, les vaccins réduisaient la transmission d’environ 60 %. Avec le delta, ce chiffre est tombé à 40 %», résumera le patron de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, quelques semaines plus tard. Malgré ce changement de perspective, la barre des 50 millions de vaccinations complètes n’en est pas moins primordiale : cette couverture conserve un rôle majeur pour restreindre les formes graves et éviter, autant que faire se peut, la saturation des hôpitaux français.

Rappel pour tous

25 novembre. Le gouvernement acte l’extension de la dose de rappel à l’ensemble de la population majeure. Depuis la rentrée de septembre, les plus de 65 ans, les personnes fragiles souffrant de comorbidités, les patients immunodéprimés et le personnel soignant étaient autorisés à recevoir une dose de vaccin supplémentaire – nécessaire pour conserver la validité de son pass sanitaire. Mais seule la moitié de ces quelque 11 millions de Français éligibles avaient décidé de se lancer. Les autorités font le choix d’élargir cette nouvelle campagne car l’heure presse, «dans un contexte de reprise de l’épidémie encore plus forte qu’attendue», selon les mots de la HAS. Ce jour-là, près de 40 000 nouvelles contaminations sont à déplorer. Le taux de primo-vaccinations n’évolue plus depuis des mois. Le «boost», élément clé pour contrecarrer la perte de l’efficacité vaccinale dans le temps, est vu comme l’arme essentielle pour contenir l’ampleur de cette cinquième vague.

Bientôt les enfants ?

22 décembre. Le 15 décembre, 360 000 enfants de ­5-11 ans à risque de formes graves du Covid-19, et ceux vivant aux côtés d’un adulte immunodéprimé, entraient dans le bal des injections. La Haute autorité de santé (HAS) avait donné son accord mais elle temporisait encore avant de se rallier, cinq jours plus tard, à l’ouverture de la vaccination chez tous les jeunes de cette tranche d’âge. «C’est une nécessité», avait pressé le Premier ministre Jean Castex lors de ses sorties médiatiques, insistant cependant sur le fait que cette vaccination ne serait proposée que «sur la base du volontariat». Le 22 décembre, après l’avis positif du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, le gouvernement pouvait enfin se lancer : «Nous ouvrons aujourd’hui et sans délai la vaccination des enfants», annonce Olivier Véran sur le plateau de BFM TV. De quoi faire mouliner les parents à deux jours de Noël…