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Libération
Chronique aux petits soins

Le journal de bord d’une psychiatre : quarante ans de bouleversements

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Nouveaux diagnostics, demandes, rapports avec le patient, réseaux sociaux… Dans un livre tenu comme un journal, Sylvie Wieviorka raconte son travail de psychiatre dans un cabinet de ville, où tout ou presque a changé. Avec toujours un même défi : soulager les souffrances.
Sylvie Wieviorka (Philippe Matsas/Leextra. Opale.photo)
publié le 10 septembre 2024 à 6h23

Sylvie Wieviorka est une psychiatre sérieuse, discrète, avec une pratique qui a jalonné ses quarante dernières années. Dans son cabinet, elle a écouté des milliers de patients. Elle a beaucoup travaillé avec les toxicomanes et cette semaine, elle sort un livre, Que s’est-il passé dans la tête des Français (1) sorte de journal de «40 ans dans le cabinet d’une psy». Un livre touffu, partant dans tous les sens, mais absolument passionnant sur ce que ce sont les troubles psychiques et leur évolution au gré de l’air du temps. Elle a connu ainsi le triomphe péremptoire de la psychanalyse, puis celui des neurosciences, mais aussi l’essor du concept de la santé mentale avec la psychiatrisation du moindre écart de comportements. Et Sylvie Wieviorka a regardé cela du fond de son cabinet de ville.

Un constat s’impose. On le sait, l’idée commune est de croire que les diagnostics sont définitifs, en psychiatrie plus qu’ailleurs, marqués dans le marbre et dans le temps. Très finement, Sylvie Wieviorka cite une série de changements. Des mots qui bougent. Hier, en 1984, elle entendait une mère dire : «Ma fille ne travaille pas à l’école.» Aujourd’hui, en 2024, ce serait plutôt : «Ma fille souffre de troubles de l’attention.» Hier, elle entendait une femme dire : «Je souffre de spasmophilie.» Aujourd’hui : «Je suis en burn-out.» Hier encore, une femme : «Je ne m’entends plus avec mon mari.» Aujourd’hui : «Mon mari est un pervers narci