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Législatives

Le ministère de la Santé sans pilote en pleine crise

Alors que le nombre de cas de Covid augmente et que les hôpitaux sont en crise, le ministère de la Santé se retrouve sans personne à sa tête suite à la défaite de Brigitte Bourguignon aux législatives. Son remplaçant n’est pas encore connu.
Emmanuel Macron et la ministre de la Santé Brigitte Bourguignon, à l'Hôpital Louis Pasteur de Cherbourg, le 31 mai. (Sameer Al-Doumy/AFP)
publié le 20 juin 2022 à 18h33

Difficile de faire plus mauvais timing. La défaite de Brigitte Bourguignon aux législatives laisse le ministère de la Santé sans pilote, alors que le sujet fait partie des «urgences» du gouvernement. Tout particulièrement à la veille d’un été difficile dans les hôpitaux.

Devancée de 56 voix dans la 6e circonscription du Pas-de-Calais par son concurrent du Rassemblement national, Brigitte Bourguignon l’a confirmé lundi sur Twitter, mettant fin aux spéculations sur un hypothétique recours : elle prend acte et de ce résultat et quittera donc «le Gouvernement et [s]es fonctions de ministre de la Santé et de la Prévention». Conséquence obligée à la double peine imposée par l’Elysée : ministre battu, ministre exclu.

«Repartir de zéro»

Le court passage de Brigitte Bourguignon au ministère lui aura tout juste laissé le temps d’annoncer de premières mesures : les heures supplémentaires payées double et les élèves infirmiers «immédiatement» employables pour juguler la pénurie de soignants à l’hôpital à l’approche d’un été qu’elle admet elle-même «difficile».

Mais elle ne sera plus en poste pour recevoir les conclusions de la «mission flash» sur les soins non programmés, commandée fin mai par le président Emmanuel Macron pour dresser un bilan des problèmes rencontrés au sein des services d’urgences des hôpitaux. Une tâche confiée au président de l’association Samu-Urgences de France, François Braun, qui avait recensé mi-mai au moins 120 services contraints de limiter leur activité ou s’y préparant. Ses propositions sont attendues avant le 1er juillet.

Le feu couve aussi dans les maternités, où le principal syndicat de gynécologues (Syngof) s’est récemment inquiété du risque de «fermetures estivales inopinées» faute de soignants. Alerte aussi en psychiatrie où quatre syndicats dénoncent «l’effondrement» du service public et appellent à la Grève le 28 juin.

Le remaniement fait donc craindre une perte de temps précieux. «Il est important que les choses s’accélèrent, nous avons besoin d’arbitrages rapides et d’une enveloppe sur la table», s’impatiente ainsi le patron de FO-Santé, Didier Birig, qui dénonce un ministère aux abonnés absents faute d’y avoir été reçu depuis l’élection de Macron.

Ceux qui ont rencontré l’éphémère locataire de l’avenue Duquesne décrivent toutefois une ministre «attentive» et «à l’écoute», comme le président de France Assos Santé, Gérard Raymond, qui déplore de devoir «pratiquement repartir de zéro».

«Il faut un profil politique»

«C’est très ennuyeux», reconnaît aussi Olivier Milleron, porte-parole du Collectif Inter-Hôpitaux. Celui-ci attend désormais «un ministre qui ait la possibilité de prendre rapidement des décisions, ce qui n’était pas forcément le cas de Mme Bourguignon». Plusieurs noms circulent déjà, comme ceux du député Philippe Juvin, du président de région Jean Rottner ou du maire de Reims Arnaud Robinet. Tous médecins et membres des Républicains, dont le groupe parlementaire sera crucial pour obtenir une majorité à l’Assemblée nationale.

Un autre nom suscite déjà à un tir de barrage : Frédéric Valletoux, tout juste élu député (Horizons) de Seine-et-Marne et à la tête depuis plus de dix ans de la Fédération hospitalière de France, où il plaide avec constance pour les gardes obligatoires et l’installation régulée des médecins libéraux.

«Ce serait vécu comme une déclaration de guerre», prévient Franck Devulder, président de la CSMF - premier syndicat de la profession - qui souhaite au contraire «une personnalité absolument pas clivante» et «de consistance». Et, pour lui, l’ex-directeur de cabinet de Jean Castex à Matignon, Nicolas Revel, «a ces qualités».

Pressenti pour succéder à Martin Hirsch aux Hôpitaux de Paris (AP-HP), l’ancien patron de l’Assurance maladie coche aussi beaucoup de cases selon un cadre du camp présidentiel, pour qui «il faut un profil politique» qui «connaisse bien son sujet et soit capable de créer du consensus».

La tâche s’annonce d’emblée haletante, avec la «grande concertation» que le chef de l’Etat entend lancer dès juillet sur le thème de la santé, déjà érigée au rang d’«urgence» du gouvernement, au même titre que le pouvoir d’achat et le climat.

Le tout sur fond de reprise de l’épidémie de Covid, dont le nombre de cas a presque triplé en trois semaines, et alors que des annonces sur la fin de l’état d’urgence sanitaire et le maintien de certaines mesures étaient prévues en conseil des ministres mercredi. Un calendrier chamboulé par l’élimination de Brigitte Bourguignon.