Trousse, livres, cahiers… et antidote permettant de réanimer une victime d’overdose. C’est ce que l’on retrouve désormais dans les cartables de certains jeunes américains. Le Narcan, spray nasal à base de naloxone, s’invite de plus en plus dans le quotidien d’adolescents américains qui voient leur pays ravagé par la crise des opioïdes, notamment du fentanyl, une drogue jusqu’à 50 fois plus puissante que l’héroïne.
Dans les établissements scolaires, des élèves choisissent de ramener leur propre kit anti-overdose, 4 mg de solution de naloxone déjà placée dans un applicateur. Certains sont même présents dans les salles de classe. Au lycée d’Arlington, près de Washington, l’usage de ce spray nasal s’explique rapidement : l’an passé, la police est intervenue pour sept overdoses. Un étudiant est même décédé. Pour lutter contre ce phénomène, des élèves se sont saisis du problème en mettant en place des formations sur l’usage du Narcan, dont la présence au lycée reste encadrée, pour 350 de leurs camarades.
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Les élèves qui apportent de la naloxone dans l’établissement doivent tout de même suivre au préalable une formation, et avoir l’approbation de leurs parents, explique Darrell Sampson, le directeur des services aux élèves des écoles publiques de la ville d’Arlington. «Dans les écoles, nous avons toujours eu à faire face aux drogues. Mais aucune de ces substances n’était si peu onéreuse à produire, si létale même à petites doses, et si addictive que les opioïdes et le fentanyl», ajoute-t-il.
Un remède insuffisant
Si la naloxone permet bien de lutter contre les overdoses, son arrivée au lycée ne fait pas l’unanimité, quand certains parents estiment que la molécule banalise ou justifie l’usage de drogues dures. Politiquement, la crise des opioïdes divise. Mais selon Keith Humphreys, chercheur à l’université de Stanford, il y a «dans les tendances politiques, un soutien (grandissant, ndlr) à la naloxone et je crois qu’il s’agit d’une victoire en termes de santé publique». Le chercheur ne voit cependant qu’une solution partielle avec le Narcan. Selon lui, les autorités doivent consacrer plus de fonds publics à la santé mentale des jeunes pour les aider à gérer leurs émotions ou à nouer des relations plus saines. Quant à la naloxone, elle peut servir en cas d’overdose, mais pas endiguer les problèmes d’addiction.
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Pouvoirs publics et autorités locales peinent à se décider sur la manière d’encadrer l’usage des opioïdes. Ainsi, à Portland, ville progressiste de l’Oregon, le choix a été fait de réduire les sanctions pour la consommation de drogue, si bien que des marchés à ciel ouvert de produits illicites ont commencé à bourgeonner, avec également une hausse des surdoses. A l’inverse, d’autres Etats optent pour un durcissement des lois. Dans le Tennessee, après trois overdoses de lycéens, dont deux mortelles, le seul survivant a été inculpé pour le meurtre de ses camarades.
De mars 2022 à mars 2023, les Etats-Unis ont recensé 110 000 décès liés à des overdoses, dont les deux tiers dus à la consommation du fentanyl, selon les Centres de prévention et de lutte contre les maladies (CDC). Chez les adolescents, ces morts ont bondi de 94 % entre 2019 et 2020, selon les CDC. En cause d’après eux, la plus grande «disponibilité du fentanyl de synthèse produit illégalement».