Un appel aux armes citoyennes pour sauver l’hôpital public. Pour obtenir du gouvernement les réformes que ni les grèves des urgentistes, ni les manifestations de soignants, ni même le dévouement des hospitaliers durant les dix-huit derniers mois de pandémie ne lui ont arrachées, les collectifs Inter Urgences et Inter Hôpitaux s’emparent de l’outil constitutionnel. Ce jeudi, l’association «Notre hôpital c’est vous», créée à leur initiative le 26 mai, a dévoilé son intention de lancer un Référendum d’initiative partagée (RIP) pour obtenir l’adoption par le Parlement ou par référendum d’une proposition de loi «pour que l’égalité d’accès aux soins de qualité soit le fondement de la politique de santé pour l’hôpital public».
Un principe aujourd’hui menacé, selon les promoteurs du texte : «Cela fait plusieurs années que l’hôpital public alerte sur le manque de moyens financiers et humains qui altère le principe d’égalité pourtant inscrit sur notre devise nationale, expliquent-ils. Réduction du nombre de lits ; manque de personnel soignant et technique ; carence de matériel ; réduction des budgets et d’investissements ; tarification à l’acte ; vétusté de certains bâtiments ; autant de facteurs qui rendent particulièrement difficile le maintien d’un service public hospitalier de qualité.»
Deux RIP déjà abandonnés
Il y a toutefois encore loin de la coupe aux lèvres. Car enclencher un RIP relève du parcours du combattant. Il s’agit en premier lieu de recueillir le soutien de 20 % des parlementaires, soit 185 députés ou sénateurs. «Cette condition-là est en bonne voie d’être remplie, affirme Noémie Banès, infirmière et présidente du collectif Inter Urgences. Nous avons envoyé dimanche soir à toute la représentation nationale notre proposition de loi. Mercredi, ils étaient déjà 144 députés et sénateurs à nous avoir assurés de leur soutien. C’est énorme. Le compte devrait être bon la semaine prochaine…» C’est peut-être aller un peu vite en besogne : lancé en juillet 2020, le RIP sur la défense du bien-être animal est finalement tombé en désuétude, le nombre de parrainage de parlementaires étant resté bloqué à 149…
Mais ce n’est pas tout. Pour que le Parlement puisse l’examiner, la proposition de loi doit au préalable recueillir le soutien de 10 % du corps électoral, soit pas moins de 4,7 millions de Français en moins de neuf mois. Cette deuxième condition avait signé l’échec en mars 2020 du RIP organisé contre la privatisation du groupe Aéroports de Paris, qui avait été très loin d’atteindre le seuil de paraphes exigés (1,1 million)…
Une opinion pressée de passer à autre chose ?
L’ampleur de ce défi a poussé les collectifs de soignants à accélérer la manœuvre. «La troisième étape du déconfinement, c’est le 9 juin», insiste le docteur Matthieu Lafaurie, infectiologue à Saint-Louis et porte-parole de l’Association «Notre hôpital c’est vous». «Il fallait se faire entendre avant que tout le monde ne passe à autre chose. L’hôpital est en souffrance. On ne peut repartir comme si de rien n’était. A l’issue du Ségur de la Santé, le gouvernement a fait un effort sur les salaires. En revanche, contrairement à ce que Macron avait promis, rien n’a changé sur la gouvernance ou le mode de financement de l’hôpital.»
Conscient de la volatilité d’une opinion désormais pressée d’en finir avec le virus, les hospitaliers, rejoints par des associations d’usager et caritatives (dont Aides, Emmaüs, Médecins du Monde ou l’Armée du salut) ont donc décidé de mettre en ligne dès ce jeudi un site «notrehopital.org» pour commencer à recueillir les promesses de signatures citoyennes. «Quand la procédure sera enclenchée, nous pourrons les rediriger vers le site du ministère de l’Intérieur qui sera tenu d’ouvrir la consultation citoyenne dans le cadre du RIP, poursuit l’infectiologue. Les parlementaires qui nous soutiennent devront aussi collecter les soutiens car ce sont eux qui vont porter le projet devant le Conseil constitutionnel.» Mais le supplément d’âme pourrait bien venir des territoires. «On a aussi envoyé notre projet de référendum aux maires de France, précise le docteur Lafaurie. Le devenir de l’hôpital public les concerne au premier chef.»