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Libération
Chantage

Les industriels du médicament surfent sur la guerre commerciale pour menacer l’UE d’exode vers les Etats-Unis

Révision de la politique des prix des médicaments, raccourcissement du processus pour les essais cliniques ou encore suspension de la directive qui vise à améliorer le traitement des eaux usées… L’industrie pharmaceutique a listé ses demandes en agitant le spectre d’un retrait des investissements en Europe.
Une chaîne de production de médicaments dans l'usine de Novo Nordisk à Hillerød, au Danemark. (Sergei Gapon/AFP)
publié le 16 avril 2025 à 12h55

Big Pharma menace l’UE. Les patrons d’une trentaine de laboratoires pharmaceutiques ont lancé un avertissement à Bruxelles, réclamant dans un récent courrier certaines conditions pour empêcher «l’exode» des investissements du secteur vers les Etats-Unis dans un contexte de guerre commerciale. Dans une lettre adressée le 11 avril à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, les dirigeants de 32 entreprises pharmaceutiques, grandes et moyennes, promettent d’«accroître» la part du marché européen, à condition d’obtenir en contrepartie des «mesures audacieuses». L’Europe représente actuellement 22,7 % dans les ventes mondiales de médicaments.

La menace est doublée d’un ultimatum. Sans cela, «d’ici à trois mois, 16,5 milliards d’euros d’investissements prévus pourraient être transférés hors d’Europe», menacent les patrons de Novo Nordisk, Pfizer, Eli Lilly, Roche, Sanofi, Merck, GSK ou encore Servier dans ce courrier. Ils réclament un marché européen compétitif «qui attire, valorise correctement et récompense l’innovation», estimant que «la poursuite des tensions commerciales accélérera encore l’érosion des investissements en Recherche et Développement et en production dans l’Union européenne».

Pouvoir vendre plus cher, tester plus vite et polluer toujours autant

Cela doit passer, selon eux, par une révision de la politique des prix des médicaments en Europe, moins favorable que celle pratiquée aux États-Unis, et du cadre réglementaire. Il faut «raccourcir le processus pour les essais cliniques menés dans plusieurs pays» et «accroître les ressources de l’Agence européenne des médicaments pour en faire une référence mondiale dans l’approbation des thérapies innovantes», plaident encore les signataires. Ils demandent aussi à Bruxelles de «suspendre et réviser la mise en œuvre» de la directive qui vise à améliorer le traitement des eaux usées avant leur rejet dans la nature, «afin d’éviter des charges disproportionnées» pour le secteur.

Les produits pharmaceutiques sont pour l’heure exemptés de droits de douane imposés par Washington. Mais plusieurs groupes pharmaceutiques ont récemment annoncé investir pour renforcer la production aux Etats-Unis : 27 milliards de dollars pour Eli Lilly, 55 milliards sur les quatre prochaines années pour Johnson & Johnson. Merck a inauguré une usine de fabrication de vaccins en Caroline du Nord, un projet évalué à un milliard de dollars. Le géant pharmaceutique suisse Novartis a également annoncé jeudi dernier investir 23 milliards de dollars aux Etats-Unis sur cinq ans pour y fabriquer les principaux médicaments destinés aux patients américains.