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Effet cocktail

L’exposition à une combinaison de pesticides augmente le risque de complications lors d’une grossesse

Une étude réalisée sur des femmes enceintes en Argentine souligne l’importance des recherches prenant en compte le possible mélange des substances plutôt qu’en les envisageant de manière isolée.
En Argentine, en 2018. Dans les échantillons d’urine de près de 90 femmes enceintes de la région de Santa Fe, environ 40 composés chimiques différents ont été détectés. (Pablo Aharonian/AFP)
publié le 21 juillet 2025 à 13h08

Alors que la France vient de voter pour la réintroduction d’un insecticide interdit, l’acétamipride, dont les effets sur la santé et l’environnement sont source d’inquiétude, de nouvelles recherches montrent la dangerosité de l’exposition à de multiplies pesticides lors de la grossesse.

Une étude publiée dans la revue Chemosphere a examiné la présence de pesticides dans les échantillons d’urine de près de 90 femmes enceintes de la région de Santa Fe, en Argentine, connue pour ses activités agricoles intensives, rapporte le Guardian. Au total, environ 40 composés chimiques différents ont été détectés. Au moins un pesticide a été trouvé dans les urines de 81 % des femmes, et 64 % d’entre elles ont présenté plusieurs pesticides. Parmi celles-ci, 34 % ont eu des complications de grossesse.

La nourriture est une voie d’exposition significative, souligne l’étude : le nombre de femmes vivant dans les zones urbaines, avec au moins un pesticide dans leur corps, était équivalent à celui des femmes des régions rurales. Toutefois, environ 70 % des femmes en milieu rural ont présenté de multiples pesticides, contre 55 % de celles en zone urbaine, ce qui souligne un plus grand risque pour les femmes vivant près des champs. Plus fréquemment exposées à des mélanges, ces dernières sont deux fois plus susceptibles d’avoir des complications liées à la grossesse que leurs homologues urbaines.

Parmi les complications, l’hypertension gestationnelle était l’une des plus fréquentes, comme le retard de croissance intra-utérin, c’est-à-dire lorsque le fœtus n’atteint pas un poids normal pendant la grossesse. Les femmes ayant eu ce genre de complications ont montré des niveaux plus élevés de fongicides triazoles, une classe de pesticides largement utilisée sur les cultures de blé, de soja et de maïs. Une molécule préjudiciable pour la santé humaine, notamment la reproduction.

«Examen complet des protocoles»

Alors que la majorité des études portent sur l’exposition à un seul pesticide, les réglementations sur l’utilisation de ces substances sont elles aussi élaborées sur la base de la toxicité d’une seule molécule. Pourtant, les populations du monde entier sont exposées à de multiples pesticides par leurs repas, ou par leur proximité avec les zones agricoles. C’est ce qu’on appelle l’effet cocktail : des substances sans danger pour les humains individuellement, peuvent devenir nocives lorsqu’elles sont mélangées.

Ainsi, le concept de l’exposome, qui englobe toutes les expositions environnementales au cours de la vie, «souligne l’importance de l’étude des pesticides en tant que mélanges plutôt que de manière isolée», écrivent les auteurs. Selon eux, ces résultats démontrent également «la nécessité d’un examen complet des protocoles d’utilisation des pesticides, des limites d’exposition et des évaluations des risques pour la santé dans les programmes d’agriculture et d’horticulture».

Plus grande prudence

L’exposition aux mélanges de pesticides «est la règle, pas l’exception», souligne aussi le chercheur Nathan Donley, qui travaille au Centre pour la diversité biologique, aux Etats-Unis, et qui n’a pas participé à l’étude. «Nous n’avons absolument aucune idée de la façon dont la plupart des mélanges interagissent in utero, chez un enfant ou chez un adulte, affirme-t-il. Certains mélanges ne font probablement pas grand-chose, d’autres causent probablement des dommages importants que nous n’avons pas encore identifiés.» Selon le spécialiste, ces risques largement inconnus exigent une plus grande prudence dans l’élaboration des réglementations.

Cette étude fait suite aux recherches de l’université du Nebraska, qui ont montré que l’exposition à de multiples pesticides pourrait augmenter les risques de développer un cancer du cerveau d’environ 36 % chez les enfants.