Dans un entretien dans le Parisien ce dimanche 3 août, Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles a présenté les axes du projet de loi contre la fraude sociale attendu à l’automne. Elle y appelle notamment les médecins à cesser les excès de prescriptions d’arrêts de travail. Une mesure injustifiée, selon Agnès Giannotti, présidente de MG France, syndicat de médecins généralistes.
La ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles a annoncé dans ses axes de lutte contre la fraude sociale, la volonté de réduire les prescriptions d’arrêts de travail qui seraient coûteux à la Sécurité sociale. Comment l’avez-vous reçu ?
D’une manière générale, la lutte contre la fraude sert aux politiques à mélanger les sujets. Il y a une confusion entretenue. C’est vrai qu’il y a des trafics industrialisés d’arrêts de travail qu’il faut absolument arrêter. Par contre, quand ils parlent de diminuer les arrêts de travail, on est dans la communication politique. Parler de lutte contre la fraude évite de se poser la question des recettes de l’Assurance maladie, de leur pertinence, des besoins qui augmentent puisque la population vieillit. On est pour la deuxième année consécutive dans une campagne soi-disant de lutte contre la fraude. C’est une lutte contre les médecins généralistes, où ce qui est mis en place est un véritable management toxique de toute une profession. Dans une entreprise lambda, on va demander que les rendements augmentent. Nous, on nous demande de diminuer les dépenses, que ça corresponde aux besoins des patients ou pas.
Pourtant la ministre précise qu’il «ne s’agit pas d’empêcher les gens qui sont malades d’être arrêtés» mais de «mettre fin aux arrêts de travail non justifiés»…
Pour les motifs d’arrêt maladie, on n’écrit pas ce qu’on veut. Ils veulent que l’on remplisse les cases avec des motifs qu’ils ont eux-mêmes créés et qui ne correspondent pas à ce que l’on a envie d’écrire. En ce moment, on voit des campagnes de mise sous objectif ou de mise sous accord préalable de médecins. Ce sont des médecins qui ont coché la case «dépression mineure» [qui correspond à un degré léger de mal-être, ndlr]. La première fois où l’on arrête un patient, on va écrire «dépression mineure» peut-être parce que ce patient-là va mal mais que l’on n’a pas pu bien évaluer la situation. On va le revoir et petit à petit on va s’apercevoir qu’il va beaucoup plus mal que ce que l’on pensait.
Néanmoins, c’est le motif dépression mineure qui reste. Et donc, comme ils ont des espèces de référentiels – pas du tout validés par quiconque d’ailleurs –, ils trouvent que les patients en arrêt long qui correspondent à des dépressions mineures sont beaucoup trop nombreux dans certaines patientèles. Sauf que l’on ne parle pas de fraude, c’est l’arrêt de M. Tartempion. Est-il justifié ou pas ? Est-ce qu’il peut aller au travail ou pas ? C’est ça la question posée.
Votre vice-président, Yohan Saynac, préconise, lui, un système de malus pour les entreprises qui ne «joueraient pas le jeu de la responsabilité sociale». Le rejoignez-vous ?
Ce serait en effet au bénéfice de tout le monde. C’est déjà fait dans le cadre des accidents du travail. Donc on pourrait très bien imaginer la même chose. Là on vise les médecins généralistes, on vise les patients… Mais dans les motifs d’arrêts qui ont flambé dernièrement, on retrouve beaucoup le burn-out, les malaises au travail, le harcèlement… Or je n’ai absolument pas entendu parler de propositions liées aux entreprises. Jamais. C’est là où l’on parle de communication politique, et non pas de santé publique.