Le surpoids et l’obésité augmentent en France, depuis au moins 20 ans. Le constat a déjà été dressé, mais Santé publique France livre ce mardi 10 septembre les résultats d’une enquête inédite sur sa durée : pendant deux décennies, les scientifiques ont mené des enquêtes téléphoniques régulières auprès de milliers d’individus représentatifs de la population française. Les données de 124 551 personnes de 18 à 75 ans, réunies entre 1996 et 2017, ont été analysées : 55 356 hommes et 69 185 femmes.
La proportion d’hommes se déclarant en surpoids a grimpé de 40 % en 1996 à 48 % en 2008. Elle semble depuis se stabiliser entre 48 et 50 %. Quant à l’obésité, elle concernait 7 % des hommes en 1996 : elle a dépassé les 14 % en 2016. Une telle stabilisation ne se retrouve pas chez les femmes - qui sont en revanche moins nombreuses à déclarer une corpulence trop importante. Moins d’un quart se déclarait en surpoids en 1996 : 39 % en présentaient un en 2017. L’obésité déclarée, inférieure à 6 % en 1996, s’est établie à 14 % en 2017.
Leur corpulence a été estimée en calculant un indice de masse corporelle (IMC) - poids en kilo divisé par le carré de la taille en mètres. S’il est supérieur ou égal à 25, la personne se trouve en surpoids ; s’il atteint ou dépasse 30, elle est en obésité.
Ces résultats issus de déclarations devront être complétés par le recueil de données mesurées - il pourrait y avoir une sous-estimation. Ils corroborent tout de même les conclusions d’autres travaux : l’étude Obépi, relancée en 2020 par la Ligue contre l’obésité et publiée dans le Journal of Clinical Medicine, a établi que près de la moitié de la population française se trouve en surpoids ou en obésité. 17 % des adultes, soit plus de 8 millions de personnes, étaient obèses cette année-là. Ils étaient 15 % en 2012 ; 10 % dix ans plus tôt.
Influence du mode de vie
Cette croissance de la corpulence «se retrouve dans tous les pays occidentaux», souligne Charlotte Verdot, épidémiologiste à Santé publique France. La tendance s’explique, entre autres, par des évolutions de mode de vie : plus de sédentarité et moins d’activité physique, «davantage de malbouffe»… Et elle est inquiétante. Car le surpoids et l’obésité constituent des facteurs de risque majeurs de maladies non transmissibles, telles que les maladies cardiovasculaires, le diabète, certains cancers ou de décès prématurés, ainsi que certaines maladies infectieuses - la crise Covid l’avait d’ailleurs bien mis en évidence.
Quant aux différences observées entre les hommes et les femmes, «on peut mettre en parallèle les niveaux d’activité physique qui se dégradent dernièrement chez les femmes, alors qu’ils se maintiennent chez les hommes.», avance la coautrice de l’étude. Karine Clément, professeure de nutrition et directrice d’unité de recherche à l’Inserm, pointe néanmoins un «manque de données liées à l’âge : on sait qu’il peut y avoir un basculement chez les femmes à la ménopause.» De même, des facteurs liés «au stress, aux perturbateurs endocriniens, aux mécanismes biologiques qui conduisent à la prise de poids chez certaines personnes», ne sont pas tous complètement appréhendés. «L’obésité est une maladie multifactorielle, qui reflète l’évolution de notre société mais peut aussi avoir des liens avec la vulnérabilité sociale», souligne la chercheuse.
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Toujours est-il que le surpoids concerne quasiment la moitié de la population française. Il est «urgent d’avoir des campagnes de prise en charge à titre préventif», insiste la spécialiste, mais également un accompagnement pour les personnes chez qui il est déjà installé. Quant à l’obésité, si le développement d’une nouvelle génération de traitements suscite beaucoup d’espoirs, ils ne sont pas encore disponibles pour tous en France. Et ils ne supplanteront de toute manière pas un suivi médical adapté.
En avril 2023, Martine Laville, professeure de nutrition à l’université de Lyon, avait proposé dans un rapport remis au gouvernement 40 pistes très concrètes pour lutter contre l’obésité. Elle suggérait notamment d’intégrer dans la nouvelle consultation de prévention le repérage du surpoids et de l’obésité, ou encore de développer une offre de restauration scolaire attractive pour les élèves, en particulier dans les quartiers prioritaires.